La présidente du Bar Council Priscilla Balgobin-Bhoyrul estime qu’il est « grand temps de réviser le code de déontologie et la loi des praticiens de droit » face aux nouveaux challenges auxquels doit faire face la profession légale, notamment la digitalisation et l’intelligence artificielle. Elle présente également la conférence qu’organise la Mauritius Bar Association (MBA) ce vendredi ayant pour thème : « The Future of Law » à l’Intercontinental Mauritius Resort, Balaclava.
Vous êtes à la tête du Bar Council depuis janvier. Quels ont été les points forts de votre mandat jusqu’ici ?
Le monde évolue rapidement et la profession juridique également. Nous ne pouvons pas rester à la traîne et nous devons nous réinventer constamment. C’est dans ce contexte que nous avons organisé des événements clés tout au long de l’année. En février dernier, nous avions eu une table ronde sur la défense pénale et les Droits de l’Homme dirigée par Blinne Ni Ghralaigh, King’s Counsel de Matrix Chambers.
Par la suite, pour marquer la Journée de la Femme, les membres ont tenu une discussion sur des questions d’actualité affectant les femmes dans la profession juridique. En mai, nous avions organisé un symposium sur les défis et opportunités dans la pratique du droit où nos membres se sont rencontrés et ont échangé des idées sur la façon d’améliorer la pratique du droit à Maurice.
Juste après, au mois de juin, nous avons organisé une « conversation » à distance avec les avocats Thomas Roe KC et Adam Riley sur l’affaire emblématique trinidadienne jugée par le Private Council dans l’affaire Maharaj v Cabinet of the Republic of Trinidad and Tobago and Another [2023 UKPC 17] concernant la question du report des élections. Puis, en août, le Bureau du DPP a organisé un événement conjoint avec le MBA portant sur la liberté d’expression et les médias sociaux. S’en est suivi il y a quelques semaines la Panel Discussion du Bureau du DPP en collaboration avec la MBA sur le maintien de la confiance du public dans le système de justice pénale.
Sinon, nous avons également été présents pour nos membres, qui avaient besoin de notre soutien, et nous avons traité de nombreuses représentations de membres du public. Le système de justice pénale à Maurice est à un moment crucial où il y a des tensions, notamment vis-à-vis de certaines institutions ou encore de plus en plus de représentations de la part des hommes de loi. Le Council a inévitablement dû soutenir et intervenir dans certains cas.
Quels sont d’après vous les défis à relever par la Mauritius Bar Association et au sein de la profession légale dans son ensemble ?
La profession se rajeunit de jour en jour et ceux qui rejoignent le barreau aujourd’hui ont un état d’esprit différent de ceux qui y sont depuis plus longtemps. Pour reprendre les mots de Richard Susskind OBE, notre conférencier principal pour la prochaine conférence du barreau et auteur de Tomorrow’s Lawyers, la pratique du droit est très susceptible de changer davantage au cours des deux prochaines décennies qu’elle ne l’a fait au cours des 200 dernières années. Et il disait cela il y a 10 ans. L’intelligence artificielle est là pour rester et il est de notre devoir de nous éduquer et de nous efforcer de rester pertinents et de moderniser notre façon de faire les choses.
L’Association est là pour promouvoir les intérêts de ses membres et pour traiter également les plaintes du public. Il est grand temps de réviser le code de déontologie et la loi sur les praticiens du droit. À l’ère de TikTok et autres, des directives sur les médias sociaux deviennent essentielles. Le Conseil a été inondé de plaintes concernant des déclarations faites dans les médias et les réseaux sociaux par ses membres, mais il existe une ligne fine entre la « liberté d’expression » et certaines déclarations de membres qui « pourraient discréditer la profession ». Le Conseil est souvent confronté à la tâche difficile de devoir prendre une décision en situant cette ligne.
Vous disiez lors de votre élection en tant que présidente en janvier que vous vouliez rassembler tout le monde car visiblement il y avait trop de clans. Pensez-vous avoir réussi sur ce plan avec votre équipe ?
Les portes du Council ont été grandes ouvertes à tous ceux qui avaient besoin de notre aide, et en effet, nous avons reçu des demandes de divers horizons auxquelles nous avons répondu positivement. L’objectif de l’organisation du colloque était de permettre au barreau civil, pénal et social de se réunir, de partager leurs préoccupations et intérêts communs et d’entamer des conversations pertinentes. Alors que la profession se développe, ceux qui travaillent en interne n’ont pas toujours l’occasion de rencontrer ceux qui pratiquent en tant qu’indépendants, et ceux qui travaillent dans des cabinets d’avocats n’ont pas toujours l’occasion de rencontrer ceux qui travaillent au barreau pénal, par exemple. Nous avons essayé de combler cette lacune.
J’ai également tenu à collaborer et à favoriser l’Inclusiveness avec le bureau du Solicitor General et du DPP car bien que nous travaillions dans des contextes différents, nous sommes tous membres de la même association et faisons partie de la même communauté juridique avec un engagement commun à rendre la justice.
Des critiques sont parfois émises à l’encontre de certains avocats que ce soit dans la manière dont ils gèrent les affaires des clients. La MBA doit être en présence de ces types de doléances. Qu’est-on parvenu à faire pour y remédier ?
Le Conseil a reçu de nombreuses plaintes, certaines justifiées et d’autres non. Nous avons relayé ces plaintes aux membres et nous nous sommes efforcés de ne pas seulement condamner, mais aussi de fournir des conseils afin que ces incidents ne se reproduisent pas à l’avenir. Le Conseil a des pouvoirs disciplinaires limités et des changements dans la loi sont encore en attente.
Nous assistons depuis quelque temps à un clash des institutions opposant le CP au DPP, deux postes constitutionnels, avec des répercussions sur le sort des accusés. Que pensez-vous de cette situation sans précédent ?
Cela est plus que regrettable et doit être résolu dès que possible, dans l’intérêt des deux institutions et de ceux qu’elles servent. Le plus longtemps que ça dure, il y aura des répercussions sur le travail des avocats pénalistes aussi bien que sur la confiance de la population dans le système en place.
La MBA accueillera des experts juridiques internationaux de renom dans le cadre de sa conférence sur The Future of Law. Parlez-nous un peu de cet évènement ?
Ce vendredi, nous organisons une conférence sur le thème de « L’Avenir du Droit » où interviendront des orateurs locaux et internationaux de grande renommée et où nous réfléchirons à l’avenir de la profession. Il était grand temps que cette conversation ait lieu et mon plus grand espoir est qu’elle devienne continue. Il y a tant de changements que nous devons apporter à notre façon de faire les choses et pour nous préparer à rester pertinents à l’avenir. Nous le devons à nous-mêmes, à la profession juridique et à notre pays, qui se vante d’être un secteur financier international et qui repose largement sur son système judiciaire et sa profession juridique pour attirer les investisseurs.
Ce sera la première conférence après trois ans et la plus grande conférence organisée par la MBA. Nous écouterons des orateurs locaux et internationaux partager leurs points de vue, non seulement sur l’IA mais aussi sur les réformes nécessaires de nos lois et l’évolution tant attendue du système judiciaire. Nous réfléchirons également sur le système de justice pénale et comment la technologie et l’innovation transformeront le paysage du droit pénal, et des orateurs internationaux de renom parleront des Droits de l’Homme internationaux, notamment.
Mon plus grand espoir est que cette conférence soit une autre étape vers l’avenir et encourage une réflexion approfondie sur l’avenir du droit à Maurice, au bénéfice de la profession et des membres du public.
Propos recueillis par Yaasin Pohrun
Conférence sur « The Future of Law » ce vendredi
La conférence, organisée conjointement avec l’Institute for Judicial and Legal Studies (IJLS), est le premier événement de cette ampleur à se tenir après la pandémie. Elle réunira des experts juridiques internationaux, dont le professeur Richard Susskind OBE, l’auteur le plus cité au monde sur l’avenir des services juridiques ; Nick Vineall KC, président du Bar Council of England and Wales ; et Pramila Patten, représentante spéciale des Nations Unies pour la lutte contre les violences sexuelles dans les conflits, ainsi que des spécialistes du Royaume-Uni et des États-Unis, dont des avocats spécialisés dans les droits de l’homme.
Plusieurs membres éminents de la profession juridique mauricienne interviendront également dans des sessions de discussion et l’accent sera mis sur des sujets tels que : le développement du système judiciaire pénal et le rôle transformateur de l’intelligence artificielle dans le cadre des investigations et des procédures judiciaires ; l’influence du droit international, en particulier dans la perspective des droits de l’homme, le droit de l’environnement et leur pertinence pour Maurice ; ainsi qu’un aperçu de l’avenir du droit civil.
Le Bar Council a exprimé sa reconnaissance à ses sponsors et souhaite remercier le Currimjee Group, Dentons, Volvo, Temple Group, Leal & Co. Ltd, Aegle Onco Care Centre Ltd, BLC Robert & Associates, Poncini, Financial Services Institute et Luxconsult pour leur soutien à cet événement, qui sera un forum de discussion sur des sujets déterminants pour l’avenir de la profession juridique à Maurice.
« Alors que l’impact de la technologie sera un élément clé des débats, le monde devenant de plus en plus sans frontières, il y aura également des discussions sur le droit international qui a des implications conséquentes pour nous, ici, à l’île Maurice », fait comprendre Me Bishan Ramdenee, secrétaire du Bar Council.
Carolyn Desvaux de Marigny, trésorière du Bar Council, laisse pour sa part entendre que le thème The Future of Law ait trouvé écho auprès des confrères et autres praticiens du droit et qu’on affiche déjà complet pour l’événement. Pour sa part, Anil Currimjee, MD de Currimjee Jeewanjee and Co Ltd, explique que le Groupe Currimjee est fier de soutenir cette conférence à l’heure où la technologie évolue et où les frontières s’estompent. « Cet événement correspond à nos valeurs fondamentales et à notre vision d’une société juste, transparente et équitable. Nous sommes convaincus que cette conférence contribuera de manière significative à l’évolution du cadre juridique à Maurice, renforçant ainsi notre engagement en faveur du changement positif et de l’innovation », affirme-t-il.
Intervenant au nom de Volvo, Jason McIntyre, Commercial Director de Bamyris Motors, souligne, lui, que cet évènement est soutenu en raison du thème qu’elle aborde, à savoir la durabilité, la marque Volvo s’engageant à 100 % dans ce type d’initiative, car son objectif est de devenir neutre sur le plan climatique d’ici 2030. « Nous avons hâte de découvrir comment la profession juridique évolue dans cette direction par rapport à ce thème et ce qu’elle envisage de faire pour contribuer à un avenir plus durable », fait-il ressortir.