CP v/s DPP : spectacle inquiétant

Les Mauriciens assistent avec beaucoup d’appréhension à un conflit désolant opposant le commissaire de police au Directeur des poursuites publiques, deux institutions constitutionnelles essentielles et complémentaires dans le cadre de la mise en œuvre de la loi afin de maintenir la sécurité publique et l’ordre public, ainsi que pour décider d’intenter ou pas un procès contre tous ceux qui violent les lois en vigueur dans le pays.

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Les pouvoirs de ces deux institutions sont définis clairement dans les clauses 70 et 71 de la Constitution. Les relations entre le commissaire de police et le DPP n’ont connu aucune anicroche pendant les décennies qui ont suivi l’indépendance du pays. Sauf qu’en 2016, fort de sa majorité de trois quarts à l’Assemblée nationale, le gouvernement avait voulu mettre le DPP sous le contrôle d’une Prosecution Commission.

Cette tentative devait connaître un échec après la démission du PMSD du gouvernement, privant ainsi le gouvernement de la majorité nécessaire pour procéder à l’amendement de la Constitution. Le leader du PMSD siège depuis lors dans l’opposition, dont il est aujourd’hui le leader. Les tensions entre le gouvernement et le DPP ont été latentes depuis cette date. Le DPP d’alors, Satyajit Boolell, a eu à défendre bec et ongles ses pouvoirs constitutionnels.

Ne voilà-t-il pas que depuis l’arrivée de Me Rashid Ahmine aux fonctions de DPP et d’Anil Kumar Dip au poste de commissaire de police, les Mauriciens ont droit à une tension larvée entre ces deux institutions. Pendant longtemps, on a entendu des reproches sur la façon dont la police menait ses enquêtes et qui débouchait sur l’acquittement de coupables présumés. Toutefois, c’est la première fois qu’on entend un commissaire de police affirmer, devant la Cour suprême, et de manière sans équivoque, qu’il n’a pas confiance dans le bureau du DPP, qu’il accuse de vouloir « usurper » ses pouvoirs. Ainsi, dans un affidavit en Cour suprême, le commissaire de police considère que des postures adoptées récemment par la poursuite compromettent l’intégrité de l’enquête sur les crimes à l’égard de certains individus. C’est une prise de position inédite, car jamais aucun commissaire de police n’avait dans le pire des cas refusé d’appliquer les décisions du DPP ou manquer de respect à ce dernier. Or, rien ne va plus entre ces deux institutions.

Dans les milieux du Barreau, cette situation est suivie avec intérêt et inquiétude. On parle volontiers d’un conflit entre le droit des individus et la répression policière. Sur quoi débouchera ce conflit ? Est-ce que quelqu’un, quelque part, veut discréditer le bureau du DPP ?

Comment le Premier ministre, qui a pris l’initiative louable de normaliser ses relations avec les médias en rencontrant des directeurs de presse jeudi, pourra mener à bien son combat contre les trafiquants de drogue alors que ces deux institutions clés sont à couteaux tirés ? Tous les regards sont maintenant tournés vers la Cour suprême, qui aura la responsabilité de trouver le juste milieu et de donner son interprétation des clauses constitutionnelles régissant ces deux institutions. C’est la séparation des pouvoirs qui est en cause.

Sur le plan politique, nous assistons à une intensification des activités publiques de la part du gouvernement, qui mise sur ses réalisations infrastructurelles et sociales, bien que la situation économique reste un terrain glissant. Quoi qu’on en dise, l’accès à certaines devises étrangères au niveau bancaire reste difficile, voire impossible. Ce qui est indicatif de la fragilité de la situation financière du pays.

Concernant l’opposition, l’alliance PTr-MMM-PMSD a pris un bon départ et surfe sur le succès remporté par son premier congrès organisé à Mare-d’Albert. Elle bénéficie par ailleurs d’une publicité inattendue avec les difficultés faites par des autorités régionales concernant l’accès à certains endroits pour l’organisation de leurs réunions. Le principal défi auquel cette opposition est confrontée est le suivant : est-ce que cette alliance pourra surmonter le syndrome du désespoir qui affecte le pays avec des propositions susceptibles d’insuffler l’espoir concernant l’avenir du pays et de la population ?

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