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Judiciaire – Vague de transferts et nominations : « A routine exercise » qui fait jaser

La Judicial and Legal Service Commission (JLSC), conformément aux pouvoirs qui lui sont conférés sous l’article 86 de la Constitution, a procédé, mardi dernier (ndlr : 20 juin), à une série de transferts et de nominations dans le judiciaire. Un exercice de routine qui prendra effet à partir du lundi 3 juillet, mais qui fait beaucoup jaser de par son timing et les law officers qui sont concernés.

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Ce n’est pas la première ni la dernière fois que la JLSC procède à des transferts et des nominations au sein du judiciaire. C’est un « routine exercise » qui a lieu presque chaque année, déclare un avocat qui compte une quinzaine d’années de pratique au barreau. « Si quelquefois ces transferts et ces promotions se font sans tambour ni trompette, parfois, ils font grand bruit, comme c’est le cas actuellement vu le nombre et le profil de certains law officers », poursuit-il.

En effet, parmi ceux qui seront appelés à occuper de nouvelles fonctions à partir du mois prochain, on retrouve la magistrate Vidya Mungroo-Jugurnauth, qui avait présidé le Judicial Enquiry pour faire la lumière sur la mort de Soopramanien Kistnen, chef agent du MSM au N°8, alors qu’elle était postée à la Cour de Moka. On se souvient que dans son rapport soumis au Directeur des Poursuites publiques (DPP), dont des bribes avaient été leaked dans la presse, elle s’était montrée très critique envers la police. Vidya Mungroo-Jugurnauth, qui est actuellement Senior District Magistrate à la Cour de Bambous, a aussi fait parler d’elle dans deux autres high profile cases tout dernièrement, notamment l’affaire Akil Bissessur dans laquelle elle avait rayé la charge de possession de drogue qui pesait contre l’avocat l’année dernière et l’affaire Franklin, quand elle avait refusé d’accorder la liberté conditionnelle à ce dernier. C’est désormais au bureau du DPP qu’elle poursuivra sa carrière en tant que Senior State Counsel.

Au bureau du DPP, Vidya Mungroo-Jugurnauth retrouvera son collègue Vignesh Ellayah, qui est actuellement magistrat à la Cour de Rose-Hill. Vignesh Ellayah s’est retrouvé sous le feu des projecteurs quand il avait refusé de signer un mandat de perquisition de la PHQ Special Striking Team (SST) de l’ASP Jagai qui voulait faire une descente chez les beaux-parents de Me Sanjeev Teeluckdharry en septembre dernier.

Timing et perception

Toujours à la Garden Tower, le Principal State Counsel Roshan Santokhee, officier délégué par le DPP pour le représenter lors des débats sur la remise en liberté sous caution de Bruneau Laurette en Cour de Moka, a été promu, avec son collègue Jagganaden Muneesamy, Acting Assistant DPP. Bibi Razia Jannoo-Jaunbocus, actuellement Senior Assistant DPP, présidera, à partir du lundi 3 juillet, la Financial Crimes Division de la Cour intermédiaire, alors que Pooja Autar-Callichurn, épouse du ministre Soodesh Callichurn, lui-même un ancien magistrat, passe de State Counsel à Acting Senior State Counsel au bureau de l’Attorney General.

Des transferts et promotions tous azimuts également au Renganaden Seeneevassen Building. Le plus marquant est la mutation de Pranay Sewpal, actuellement Assistant Solicitor General, à la Cour intermédiaire où il présidera une des deux divisions de cette instance. Les Senior State Counsels Uroosa Rawat-Neerooa, épouse d’Azam Neerooa, Senior Assistant DPP, qui s’était fait remarquer dans l’enquête judiciaire sur la mort de Soopramanien Kistnen, Prithviraj Balluck et Nirmal Singh Kamal Meettook seront désormais magistrats à la Cour intermédiaire.

Finalement, du mouvement aussi à la magistrature. Outre Vidya Mungroo-Jugurnauth et Vignesh Ellayah, la magistrate Magalie Lambert-Henry quitte la Cour de Curepipe pour la Cour intermédiaire. Les magistrats Ranjeeta Rajkumarsingh, Ashwina Jalloo et Kevin Moorghen quittent cette instance pour le bureau du DPP, où ils occuperont le poste de Principal State Counsel. Ils seront rejoints par leur collègues Darshana Gayan, Nadiyya Dauhoo et Nalini Senevrayar-Cunden, qui ont été nommées Acting Senior Assistant DPP et Acting Assistant DPP respectivement.

Si ces transferts et nominations se font sur la base d’un combined seniority list regroupant les law officers exerçant au bureau du DPP, de l’Attorney General et la magistrature, leur timing laisse la porte ouverte à toutes sortes de spéculations. « Comme tout est commenté de nos jours à Maurice, on n’est jamais loin des amalgames, surtout avec les réseaux sociaux », lance un homme loi qui, après avoir fait une bonne partie de sa carrière au Parquet, a rejoint le privé. « La perception, surtout pour les non-initiés, est que certains sont punis de part les décisions qu’ils ont rendues dans certaines high profile cases. Or, une nouvelle affectation peut-être vue comme un transfert on the ground of exigencies of service ou comme une promotion. Comme tout fonctionnaire, un law officer est appelé à gravir les échelons et assumer d’autres responsabilités à mesure qu’il avance dans sa carrière. Je peux comprendre que l’exercice est fait dans un climat de doutes et de suspicions. Mais il n’y a rien de sinistre », assure-t-il.

Inconvénients

Il y a aussi les inconvénients causés par ces transferts et autres nominations. « Là, c’est une autre histoire. Ils sont insupportables quand le remaniement touche la magistrature, car les procès doivent être repris à zéro », déclare un autre membre du barreau qui est passé par cette mésaventure en deux occasions. « Il est grand temps de mettre de l’ordre une fois pour toutes dans ce secteur. Je suis entièrement d’accord avec certains de mes collègues qui postulent qu’il faut laisser le choix à ceux qui veulent poursuivre une carrière à la magistrature ou au Parquet. On ne peut pas être avocat et magistrat à la fois. Tout le monde débute comme avocat au Parquet avant de gravir les échelons. Si promotion il y a, elle doit être au Parquet et non à la magistrature. Il faut un career path pour les law officers », avance notre interlocuteur. Il cite l’exemple de ce brillant avocat au bureau du DPP qui a travaillé sur plusieurs high profile cases dans un passé récent et affronté presque tous les ténors du barreau qui, aujourd’hui, se retrouve à la magistrature après un exercise de promotion. « Je peux vous assurer qu’il s’ennuie à en mourir et ne compte plus les jours pour un retour au Parquet. »

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