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Révélations de Week-End sur les 11 dyalisés morts pendant le Covid : Les familles bouleversées s’en remettent au DPP et à l’opposition

L’article de Week-End la semaine dernière faisant état de quatre cas de négligence médicale stipulés dans les conclusions de l’enquête du Medical Negligence Standing Committee (MNSC) concernant les onze patients dialysés décédés lors de la 2e vague du Covid à l’hôpital de Souillac ne surprend pas les proches de ces victimes. “C’est évident que ce sont tous des cas de négligence médicale”, disent-ils, en soulignant les nombreux manquements qui ont conduit à la disparition subite de leur proche. Si ce n’est tous les 11 cas, il y en a au moins cinq spécifiquement, fait ressortir le président de la Renal Disease Patients’ Association (RDPA), Bose Soonarane, qui milite auprès des proches de ces 11 patients dialysés, pour que la vérité soit reconnue et justice soit faite. S’en remettant au Directeur des Poursuites publiques (DPP) à qui ils ont envoyé une requête pour l’ouverture d’une enquête judiciaire, ces familles meurtries s’adressent également aux parlementaires de l’opposition notamment. “Intéressez-vous à ces familles dans la détresse qui méritent de faire leur deuil. À travers vos questions au Parlement, nous pourrons peut-être apprendre la vraie vérité. Faites votre devoir de parlementaires”, demandent-ils.

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Les nouveaux détails révélés par Week-End la semaine dernière suite aux conclusions découlant de l’enquête confiée au MNSC sous la présidence de Me Lockraj Nuckchady mentionnés dans le rapport jusqu’ici gardé secret par les autorités sanitaires ont ravivé de tristes souvenirs chez les proches des 11 patients dialysés décédés du Covid en mars 2021, avec la deuxième vague, à l’hôpital de Souillac et l’hôtel Tamassa. L’accablant rapport de 75 pages, dont nous avons publié des extraits, prend en effet à contre-pied le ministre de la Santé, Kailesh Jagutpal, qui même au Parlement maintient que jusqu’ici seuls deux cas de négligence médicale ont été confirmés sur les onze décès, alors que c’est écrit noir sur blanc, noms à l’appui, qu’il y en a quatre — au moins cinq, selon les informations de la RDPA.

Parmi les proches, c’est aussi la confusion. Comme dans le cas de cette victime dont le nom est cité parmi les quatre cas de négligence médicale dans le rapport du MNSC, mais à qui le ministère de la Santé a envoyé une lettre, en date du 17 mars 2023, indiquant à sa famille que “the MNSC has concluded that there is no evidence of medical negligence”. Mais c’est aussi la colère qui anime les proches, qui ne comprennent pas le refus de la Santé de rendre public ce rapport.

“Zot finn amenn mo mari labatwar”

K.B, qui a perdu son époux, Sanjay, 56 ans, alors qu’il a été en quarantaine à l’hôtel Tamassa puis transféré à l’hôpital de Souillac pour sa dialyse, qui n’avait d’ailleurs pas été effectuée le jour prévu mais le lendemain au soir, se dit “bouleversée”. Comme les autres proches des 11 victimes, elle est aussi convaincue que son mari est décédé des suites de négligence médicale. D’ailleurs, elle avait insisté pour que ce dernier, un ancien policier, qui venait de se faire amputer d’une jambe trois semaines avant les faits, ne soit pas mis en quarantaine. “Mo ti pe okip mo mari kouma enn ti baba. Narye li pa ti manke. Tou swin nou ti pe donn li lakaz, me zot inn fors li pou ale, laba ek zot pa finn donn li swin”, pleure-t-elle.

Mais jusqu’ici, K.B, ne sait pas ce qui a conduit au décès subit de son mari. Elle dispose seulement d’une lettre de la Santé, sans évoquer le terme négligence médicale, lui indiquant que ce cas a été référé au Medical Council “for further investigation”. Mais le nom de son mari figure parmi les quatre cas de négligence cités par le MNSC. K.B raconte qu’elle a longuement témoigné du non-traitement reçu par son mari alors qu’il avait été transporté à l’hôtel Tamassa, puis à l’hôpital de Souillac, où il avait été livré à lui-même. “Dan lotel, zot finn donn li manz kebab. Enn dimounn diabatik manz kebab ? An plis, zot pa finn fer so dializ samdi ki ti bizin, me le landemin zont finn amenn li. Enn nwit mo misie inn kriye. Me pa ti ena personn pou get li. Mo finn gagn kout telefonn enn madam ki ti laba avek so misie. Mo finn tande kouma mo misie ti pe apel a-led. Kouma apel sa kan ou les enn pasian soufer koumsa mem ?” demande-t-elle.

“Juste savoir”

Comme les autres proches des victimes disparus, K.B est dans l’incompréhension. “Je veux juste connaître le résultat du rapport d’enquête. Savoir comment mon mari est mort pour que mes enfants et moi puissions faire notre deuil”, dit-elle. Loin d’accuser le ministre de la Santé ou qui que ce soit, elle demande simplement des éclaircissements sur la mort de son mari, dit-elle, déplorant qu’il y a trop de confusions. “Au départ, il y avait deux, puis nous entendons qu’il y en a plusieurs. Nous devons connaître la vérité parce que mon mari est parti pire qu’un animal. Nous n’avons vu qu’une boîte. Il est parti sans dignité et nous en souffrons. Si li pa ti ale laba, li pa ti pou mor koumsa. Il est évident q’il y a eu négligence dans tous les cas, car 11 dimounn finn mor enn deryer lot, dit K.B, pour qui, à travers cette mise en quarantaine, “bannla finn avoy sa bann pasian-la labatwar”. Comme pour les autres proches des victimes, elle estime que si le ministère garde le rapport du MNSC secret, “c’est parcequ’il y a quelque chose de louche”. 

Bose Soonarane abonde dans le même sens et rappelle que depuis le début, les proches des 11 victimes crient à la négligence médicale. Et les éléments publiés par Week-End la semaine dernière démontrent que ce n’est pas seulement deux patients qui sont concernés. Soulevant le fait que le rapport évoque des documents égarés, le président de la RDPA fait ressortir que c’est inacceptable. D’autant que le protocole pour les sessions de dialyse n’a pas été respecté, preuve qu’il y a eu des manquements, dit-il. “Ce qui suscite des interrogations. Ces documents ont-ils été détruits ou cachés délibérément ?” se demande-t-il.

Equal Opportunities Commission

Bose Soonarane fait ressortir que l’un des membres du panel du MNSC était responsable de l’hôpital de Souillac au moment des faits et a été nommé sur ce panel après sa retraite. “C’est un cas de conflits d’intérêts que nous avons signalé”, dit-il, réclamant une enquête serrée pour faire la lumière sur toute l’affaire qui, pour les proches des victimes, s’appuyant sur ce rapport gardé top secret, comporte plusieurs éléments damning pour la Santé.

La RDPA envisage, de même, de se tourner vers l’Equal Opportunities Commision, car clairement, pour elle, les patients dialysés qui ont été transférés de l’hôpital de Souillac à l’hôpital ENT n’ont pas bénéficié de chances égales aux autres patients. “Déjà, il n’y avait pas de ventilator à l’hôpital de Souillac et, qui plus est, les ambulances n’étaient pas équipées pour fournir l’oxygène alors que les patients dialysés étaient transférés à ENT”, dit Bose Soonarane.

Pour que l’histoire ne se répète pas

La RDPA réitère ainsi son appel au DPP pour l’ouverture d’une enquête judiciaire à propos de ces décès et demande également au ministère “d’avoir de la compassion pour ces familles meurtries”. “Au moins au case to case, donnez à ses familles les éléments du rapport afin qu’elles puissent faire leur deuil et qu’elles puissent aussi réclamer des dommages”, dit Bose Soonarane. Il est aussi d’avis que ce dossier devrait intéresser les parlementaires, notamment de l’opposition. “Les parlementaires doivent faire leur devoir, car c’est à travers des questions au Parlement que nous pourrons aussi connaître la vérité”, dit-il.

Il ajoute qu’outre le fait que les familles pourront enfin faire leur deuil en prenant connaissance des détails du rapport, notamment en ce qui concernent les circonstances qui ont mené au décès de leurs proches, la publication de ce rapport pourra servir à ce que les mêmes erreurs ne se reproduisent pas. “Il est important que nous ne répétions pas l’histoire. Car 11 personnes innocentes, qui n’avaient rien demandé, sont mortes des causes de négligence médicale. Nous devons au contraire tirer des leçons du passé”, dit Bose Soonarane.

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