À l’occasion des activités qui seront organisées ce week-end à Baie-du-Tombeau pour commémorer l’arrivée des derniers déportés chagossiens à Maurice, en 1973, Le Mauricien a rencontré le président du Groupe Réfugiés Chagos. « Nous voulons montrer aux Mauriciens et au monde que la lutte que nous avons menée a sa raison d’être. » Il évoque également sa rencontre avec le pape François, qui lui a dit être « au courant de vos problèmes ».
Olivier Bancoult, pouvez-vous nous expliquer le contexte dans lequel est placée la commémoration prévue ce week-end ?
La commémoration des 50 ans de la déportation des derniers groupes de Chagossiens est un événement très important. C’est un épisode que nous ne pouvons pas oublier, surtout pour ceux qui ont vécu ce moment douloureux.
Nous voulons montrer aux Mauriciens et au monde que la lutte que nous avons menée a sa raison d’être. Nous le montrerons durant cette commémoration, qui aura lieu à Baie-du-Tombeau, à travers les témoignages des personnes qui ont vécu cette expérience dont un témoin privilégié, Rowly Saminaden, qui était le capitaine du Nordvaer. Il a été un témoin clé dans la mesure où il a vu le traumatisme que le peuple chagossien a vécu. Nous aurons aussi le témoignage de deux autres Chagossiens qui étaient sur le bateau. Ils raconteront les moments difficiles qu’ils ont vécus et comment l’embarquement a été effectué après le coucher du soleil de manière que ceux qui se trouvaient à bord ne pouvaient apercevoir leurs îles natales dans l’obscurité.
Le public comprendra la cruauté et l’injustice commises par les Anglais à l’encontre du peuple chagossien. Nous voulons montrer que le combat que nous continuons à mener est pour une juste cause et le respect des droits humains.
Quelles ont été les dates les plus marquantes ?
Nous avons deux dates historiques. Le 27 avril 1973, le navire avait quitté Peros Banhos pour rallier Maurice le 2 mai. C’était l’avant-dernier voyage. Et le dernier groupe de déportés a quitté l’archipel le 9 juin pour arriver à Port-Louis le 13 juin.
Le premier groupe comprenait des Chagossiens venant de Desroches et le second et dernier comportait ceux venant des îles Salomons qui avaient été transportés à Peros. Je voudrais que la population écoute le témoignage du capitaine Saminaden. Il racontera comment les membres d’équipage sont allés chercher des personnes qui étaient souffrantes et qui étaient restées dans l’île.
Aviez-vous des proches qui figuraient parmi ces derniers déportés ?
J’avais une tante. Mais je veux donner la chance à ces deux Chagossiens qui étaient du voyage, l’une avait 23 ans et l’autre 12 ans. Afin d’illustrer ce qui s’est passé, nous avons prévu une exposition de photos pour montrer comment était la vie aux Chagos, comment tout a changé avec l’arrivée des militaires américains et les campagnes de sensibilisation menées depuis cette époque jusqu’à l’adoption d’une résolution aux Nations unies et l’avis de la Cour internationale de Justice. Le public verra également les figures qui ont marqué le parcours des Chagossiens et qui ont laissé leurs empreintes, notamment Charlesia Alexis, Lisette Talatte et d’autres personnes.
Nous dévoilerons un tableau réalisé par un artiste chagossien, Clément Siatous, et qui illustre bien cette dernière déportation. Un monument sera dévoilé par le Premier ministre et par deux Chagossiens les plus âgés qui étaient sur le bateau et une Chagossienne. Nous voulons aussi montrer que les Chagossiens ne se contentent pas de rêver mais que nous attendons avec impatience le moment où nous aurons le droit d’aller vivre dans nos îles. C’est avec cette perspective d’avenir en tête que nous montrerons l’importance que nous accordons à l’éducation de nos enfants. À ce propos, il y aura une remise de laptops par l’ICTA. Les professionnels du National Computer Board donneront des leçons d’initiation à l’informatique à nos enfants et aux adultes qui voudraient s’initier à l’informatique.
Est-ce que les invités internationaux sont déjà arrivés au pays ?
Dès jeudi, nous avons accueilli une vingtaine d’amis. Nous sommes heureux de voir la solidarité manifestée par les Réunionnais. Après la conférence de Me Philippe Sands à La-Réunion, je suis touché de constater que les représentants de tous les partis politiques et de toutes les tendances seront présents à Maurice ce week-end. Ils représenteront notamment la présidente de la région Réunion qui nous a toujours soutenus, le Parti communiste réunionnais. Gilbert Annette du Parti Socialiste réunionnais et adjoint maire, sera présent.
Le plus touchant est que l’évêque de Saint-Denis, Mgr Gilbert Aubry, a transmis un message fort pour dire sa solidarité avec le peuple chagossien. La délégation réunionnaise sera dirigée par les représentants du Comité Chagos de La-Réunion et le mouvement pour le Paix de La-Réunion. Ils ont tenu à venir manifester leur solidarité avec le Groupe Réfugiés Chagos, Liseby Elysé et Olivier Bancoult qui ont été nominés pour le prix Nobel de la Paix. C’est très émouvant de voir les mouvements des pays frères nous soutenir.
Seront également présents un des directeurs de Human Rights Watch ainsi celui qui représente la région Afrique ; Laura Jeffery, un professeur d’anthropologie qui nous avait aidés à préparer le dossier concernant le sega tambour reconnu par l’Unesco.
Nos frères de Rodrigues seront également présents. Nous avons également invité le chef commissaire Johnson Roussety ainsi que Francisco François, leader de l’OPR. Nous avons beaucoup à apprendre d’eux en ce qui concerne l’autonomie que nous souhaiterions pour Chagos également.
Demain, nous avons prévu que dans la matinée un hommage sera rendu aux personnalités chagossiennes qui sont décédées et qui ont marqué la lutte chagossienne. Un hommage sera rendu à tous les déportés. Nous terminerons par une fête culturelle avec la participation du groupe Zenfan Ti-Rivière, Babalai qui est un Chagossien et le groupe Cassiya. Nous invitons la population mauricienne dans son ensemble à venir découvrir la culture chagossienne.
Quid des invités mauriciens ?
Nous avons invité toutes les personnes concernées, à commencer par tous les membres du Parlement, l’évêque récemment nommé de Port-Louis et le cardinal Maurice E. Piat qui connaît la vie des Chagossiens
Cette commémoration intervient après votre rencontre avec le pape François la semaine dernière…
Nous avons voulu rencontrer le pape afin de le remercier pour son soutien, que ce soit aux Nations unies ou devant la CIJ. En tant que catholiques, nous avions souhaité que Le-Vatican soit au courant de notre souffrance et il a toujours été intéressé à suivre l’avancement du dossier Chagos. Lorsque j’ai rencontré le pape, il m’a dit qu’il est au courant de nos problèmes. Lorsque nous sommes arrivés à Rome nous étions un peu inquiets après avoir appris qu’il sera hospitalisé. Nous avons pensé qu’il ne sera pas en mesure de nous rencontrer.
Nous avons été heureux, surpris et touché de le voir sortir de son fauteuil roulant pour venir à notre rencontré pour me donner la paix et prendre une photo.