Budget 2023-24 : ces mesures palliatives !

Comme tous les ans à cette même époque, les débats autour des mesures budgétaires, présentées par le ministre des Finances vendredi dernier, font rage, tant au Parlement que dans le pays en général. Alors que le gouvernement mise sur une série d’annonces de mesures populaires touchant la poche des contribuables et des consommateurs pour promouvoir son budget, l’opposition, de son côté, s’efforce de démystifier ces mêmes mesures en les plaçant dans un contexte général et en rappelant les sacrifices consentis de force par la population.
Les mesures les plus populaires sont bien entendu la baisse du prix de l’essence, l’augmentation du salaire minimum, la hausse de diverses allocations – dont la pension de vieillesse –, le cadeau de Rs 20 000 aux jeunes qui atteindront leur majorité durant l’année financière, le soutien apporté aux enfants atteints de cancer, et l’imposition des impôts gradués, avec une baisse de l’ordre de 30% pour les contribuables, entre autres. Les Mauriciens sont toutefois rompus aux exercices budgétaires et n’ignorent pas que le gouvernement a les yeux rivés sur les élections générales à l’horizon de décembre de cette année ou au milieu de l’année prochaine. Ils savent qu’il y a pas de “free lunch” et qu’ils auront à rendre de la main gauche sous diverses formes, y compris à travers les bulletins de vote, ce qu’ils ont obtenu de la main droite.
Qu’est-ce qui justifie cette générosité apparente et soudaine du gouvernement ? Le ministre Renganaden Padayachy a levé un peu le voile lors d’une rencontre avec la presse. Pour lui, la hausse des prix est provoquée non pas par la dépréciation de la roupie, mais par l’inflation importée. Par conséquent, il est normal que le prix payé à l’importation se répercute sur les consommateurs. Et les autorités, dit-on, n’ont aucun contrôle sur cette situation. C’est la raison pour laquelle le gouvernement a décidé d’aider les plus vulnérables à faire face à la situation. Ce qui fait que les mesures proposées ne sont que palliatives.
Reste à savoir si elles seront suffisantes. Un dernier rapport du groupe de la Banque mondiale observe que « de nouveaux risques menacent d’aggraver les choses ». Ajoutant : « Malgré le cycle mondial de hausse des taux d’intérêt le plus prononcé depuis quatre décennies, l’inflation reste élevée. Même d’ici fin 2024, il restera au-dessus de la fourchette cible de la plupart des banques centrales ciblant l’inflation. » Le risque, donc, que les augmentations obtenues fondent comme neige au soleil n’a pas disparu.
Les regards sont maintenant tournés sur le Monetary Policy Committee, qui annoncera le “key rate” la semaine prochaine. La Banque de Maurice pourra-t-elle contenir l’inflation et empêcher la dépréciation de la roupie ? Les mesures prises pour stimuler l’économie – notamment l’abolition de la Security Tax, la refonte des impôts sur le revenu et la facilité d’accès à la main-d’œuvre étrangère – permettront-elles d’améliorer la productivité et la croissance économique, fixée à 8% ? L’avenir nous le dira.
Il est intéressant de noter que le leader de l’opposition ne s’est pas contenté, dans son intervention parlementaire, de faire une analyse chiffrée du budget, pour donner une perspective plus large à ses propos. En effet, l’homme ne vit pas uniquement de pain, comme pourraient le croire les autorités. À quoi serviraient les générosités gouvernementales si la démocratie – y compris parlementaire –, la méritocratie, la gouvernance du pays, la lutte contre la corruption et la productivité en général font défaut.
De la même manière, ce n’est pas un don de Rs 20 000 aux jeunes fêtant leurs 18 ans cette année qui empêchera l’exode des cerveaux et le départ des jeunes à l’étranger. Ce qu’ils cherchent, c’est la liberté dans le vrai sens du terme. Un changement de mentalité, une méritocratie où leurs talents sont reconnus et valorisés. Ils veulent s’affranchir d’un écosystème politique, social et culturel qui les opprime. Comment expliquer sinon que c’est à l’étranger que les jeunes Mauriciens brillent le plus dans tous les domaines ? Ce n’est pas uniquement dû à l’argent.
Le débat autour de l’Emmanuel Anquetil Building sera indicatif de notre capacité de voir plus loin. Pour notre part, nous préférons entendre parler de régénération de Port-Louis que de démolition du bâtiment.

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