« Vouloir artificialiser ne serait-ce qu’1m² d’un endroit aussi exceptionnel, aussi rare et aussi critique pour le bien des générations futures, nous semble non seulement inapproprié mais tout simplement criminel », dit-il
La rencontre habitants/promoteurs utile et saine mais le risque environnemental et patrimonial reste l’obstacle majeur au projet
Les habitants partagés entre le non ferme des radicaux du littoral et le peut-être des villageois tentés, mais échaudés…
L’Association de défense des monuments historiques ou de lieux anciens, fondée en 2006, qui s’inspire de la mouvance internationale de philosophie du développement durable inspiré par l’UNESCO, SOS Patrimoine en Péril, a renvoyé une lettre, déjà adressée le 10 avril dernier au promoteur PR Capital, « maintenant que la réunion d’information concernant le projet de Smart City à Roche Noires, aussi appelée Green Hills de Roche Noires, est terminée ». Le moins que l’on puisse dire c’est que SOS Patrimoine est direct dans son analyse du projet et avance sans fards qu’« elle n’accepterait pour ce site que des initiatives de renaturation » et évoque la nature « inappropriée voire criminelle de vouloir artificialiser ne serait-ce qu’1m² d’un endroit aussi exceptionnel, aussi rare et aussi critique pour le bien des générations futures ». Le ton était moins radical à la réunion habitants/promoteurs de lundi dernier qui s’est déroulé dans une ambiance de respect dans la différence et tout le monde s’accordait à dire que c’était une réussite sur le plan humain car il y avait au moins unanimité à reconnaître que cet échange était utile et sain. Un exercice qui a permis aux promoteurs de mieux expliquer leur projet même si leur gageure demeure la capacité pour eux de convaincre et surtout de tenter le pari de rassurer sur le plan environnemental, d’une symbiose possible entre un site écologique d’une richesse rare et d’une fragilité absolue, et un nouveau lieu de vie habité et bétonné.
La débat pour ou contre la Smart City de Roches Noires n’est pas près de s’estomper. Bien au contraire. Alors même que la réunion très attendue et redoutée des habitants de Roche Noire venait de se terminer, SOS patrimoine s’est invité au centre des discussions en rendant publique une lettre qu’elle a récemment adressée à PR Capital.
Tout simplement criminel
Si SOS Patrimoine salue l’initiative de PR Capital d’inclure dans sa demande d’EIA une étude d’impact sur les patrimoines culturels qui se trouvent sur le project site et que le promoteur a identifié comme four à chaux, le barachois, les lieux-dits, etc., association explique que ces patrimoines témoignent d’une activité humaine sur le site depuis plus de 200 ans, en connexion avec le lagon :«Les vestiges racontent précisément les interactions entre des systèmes humains et des systèmes naturels qui sont suffisamment riches de sens pour être mis en valeur, témoins non seulement des modes de vie mais aussi de techniques et de savoir-faire associés à des modèles économiques.». Bien Que SOS Patrimoine écrit ne pouvoir dire cela est un besoin réel au regard des administrations publiques dans le cadre d’un EIA requis par le ministère de l’Environnement, elle avance qu’il est possible de considérer également opportunité d’une campagne d’archéologie préventive pour le site de Roches Noires, “pour savoir s’il y a sur le site ou autour de ce site des savoir-faire ou des pratiques traditionnelles qui sont transmises depuis plusieurs générations. »
Enfin pour SOS Patrimoine, le plus important demeure l’aspect écologique et environnemental puisque « cette presqu’île de Roches Noires constitue la plus grande zone humide et de mangroves de tous les Mascareignes. Sans se restreindre aux inventaires des biodiversités identifiables sur place, importance des fonctions écosystémiques de cette région pour les lagons de l’Est de Maurice ainsi que pour les chaines trophiques marines de l’ouest de l’océan Indien est réellement significative ». Elle se base dessus pour dire que pour le bien des générations futures toute artificialisation de ce site est « non seulement inapproprié mais tout simplement criminel ». Et sur ce, de conclure que SOS Patrimoine est « défavorable à ce projet dans sa forme actuelle » et ne « considèrera que des initiatives de renaturation ».
Réunion utile et saine
Un quart d’heure avant le début de ce que les plus pessimistes qualifiaient volontiers d’« hostilités », la salle du Conseil de village de Roches-Noires, où trône une photo du Premier ministre sur un mur vide, avait déjà été prise d’assaut par tout le spectre social des habitants de Roches-Noires. Faisant face aux promoteurs assis derrière une longue table avec, à leur droite, un écran où ont été projetées les grandes lignes du développement prévu, les habitants étaient eux assis sur des chaises pour les premiers rangs et debout pour ceux du fond et les retardataires.
D’emblée, le ton est donné lorsque les premières explications du représentant des promoteurs a fait état de « roches volées » pour expliquer l’effondrement des caves qui n’a pas laissé insensible certains habitants, déjà sur la pointe des pieds pour attaquer. Les uns se sentant visés, les autres se désolant de cette mauvaise nouvelle écologique.
Ce fut alors au tour de Lenine Aukhajan, l’hôte de cette rencontre et membre du Conseil de village de Roches-Noires, de poser le postulat sine qua none des villageois : 1, être intégré au projet et 2, protection de l’environnement du cœur écologique la région du Barachois et des zones sensibles alentours. Pour cette réunion, il avait fait appel aux membres de Rezistans ek Alternativ comme experts potentiels de tout ce qui concerne l’environnement fragile des lieux avoisinant l’érection de la Smart City.
Feu roulant de questions
Après la projection de ce qu’est le projet qui a duré environ une demi-heure, a suivi pendant une heure le feu roulant des questions des habitants. Certains étaient venus avec une intention ferme de décrédibiliser les promoteurs sur leur passé, leur passif, ainsi que sur le volet « bétonnage » du projet dans cet écrin de verdure. Que font ces riverains si sensibles à l’environnement pour éliminer ces dépôts d’ordure qui se multiplient dans la forêt avoisinante de ces zones humides ?
Après la salve que les promoteurs ont pris en plein visage quoique qu’attendu ce sont des suggestions les plus indispensables concernant les zones environnementales sensibles, les EIA, et les facteurs qui pourraient mitiger les dangers.qui ont pris le pas. Une surveillance écologique des zones humides sensibles par des spécialistes indépendants tout le long du projet et un système complet de tout à l’égout figurent dans la liste des propositions. Tout cela auréolé d’une question impromptue d’une participante qui a demandé si le village serait accessible à tous. Oui, a été la réponse pour bien faire comprendre que le projet n’est pas un « gated area », à contrario d’un autre développement voisin pour lequel les villageois se disent étrangers.
En guise de conclusion, les heureux comme les inquiets étaient satisfaits de cet exercice démocratique, si salvateur de nos jours. Cependant, à ce stade, les lignes ne semblent pas avoir bougé. Elles semblent s’être davantage tendus pour les uns, qui redoutent l’envahissement, assouplis pour les autres, qui voient une possibilité de mieux-vivre à proximité. Mais tou s ensemble, veulent davantage que des promesses pour céder leur environnement fragile aux bulldozers et aux bétonneuses… ! Les promoteurs, qui ont eu le mérite d’aller dans l’arène, ne sont pas sortis de l’auberge pour autant, mais ils peuvent espérer !