Dérapages parlementaires

Les travaux parlementaires ont redémarré sur les chapeaux de roues cette semaine avec la Private Notice Question du leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval, au Premier ministre, Pravind Jugnauth, consacrée à l’affaire Franklin, qui défraie la chronique depuis plusieurs semaines. Il faut reconnaître que le Premier ministre, même sous la pression de l’opposition, a joué le jeu en donnant des réponses qui pourraient, à terme, se révéler damning pour son Attorney General. Les Mauriciens ont ainsi pris connaissance du temps exagérément long qu’a pris le parquet pour traiter la demande des autorités réunionnaises concernant l’institution d’une commission rogatoire. Et lorsque la commission rogatoire a enfin eu lieu, les autorités concernées ont pris deux ans pour retranscrire en français des dépositions faites en créole, au point que les autorités réunionnaises ont fini par perdre patience. La cour réunionnaise a fini par condamner les deux présumés accusés à sept ans de prison pour trafic de drogue.
Une autre révélation du Premier ministre est que les autorités judiciaires mauriciennes sont actuellement en présence d’une demande officielle d’extradition des accusés mauriciens vers La Réunion afin de purger leur peine. Le chef du gouvernement a donné la garantie qu’il respectera toutes les décisions qui seront prises par le judiciaire mauricien dans le cadre de la lutte qu’il mène contre les trafiquants de drogue, avec une posture « no retreat no surrender ». Le public mauricien est impatient de voir s’il passera des paroles aux actes.
Alors que les échanges concernant la situation de la drogue à Maurice battaient leur plein au Parlement samedi, la décision du Premier ministre de montrer une photo de Jasmine Toulouse, activiste connue du MMM dans la circonscription No 14, a déclenché une violente polémique dans le pays depuis mardi. Le pire est que tout laisse croire que la démarche était préméditée, dans la mesure où la photo se trouvait depuis longtemps sur le pupitre, devant le ministre des Affaires étrangères, Alan Ganoo, dont le siège n’est pas loin de celui du Premier ministre. Dans le feu de l’action, c’est lui qui a remis la photo au Premier ministre, qui l’a brandie au Parlement. La question que se pose l’opposition est de savoir comment le Speaker a pu rester impassible devant ce qu’elle considère être une violation des pratiques parlementaires, qui interdisent de citer les noms de personnes ne siégeant pas au Parlement, et qui par conséquent ne sont pas en mesure de répondre aux remarques faites à leur encontre sous l’immunité parlementaire.
Les parlementaires et le public en général sont impatients de savoir la réponse que donnera le Speaker à la lettre que lui a adressée Patrick Assirvaden, et qui demande d’intervenir auprès du Premier ministre pour qu’il retire ses propos et que toutes les références à Jasmine Toulouse soient retirées des comptes rendus des travaux parlementaires. Entre-temps d’aucuns s’étonnent qu’à peine deux semaines après la célébration de la Journée internationale des femmes, durant laquelle tous les leaders politiques, dont le Premier ministre, ont renouvelé leur respect envers les femmes, une femme, en raison de son appartenance politique, soit victime de calomnies, avec le risque de mettre en péril son gagne-pain. Elle est artiste de profession.
Cet incident critiquable et condamnable n’occultera pas les débats de fond autour de deux cancers mortels, deux phénomènes destructifs qui rongent le pays : la drogue et la corruption. Bertrand de Spéville, qui a servi comme Sollicitor General et, par la suite, comme commissaire de l’ICAC, de Hong Kong, dans son livre intitulé Overcoming Corruption, The Essential, publié en 2010 chez De Spéville and Associates, donne une définition pertinente de la corruption, qui est aussi valable pour le trafic de drogue. « Corruption threatens the rule of law, democracy, human rights, undermines good governance, fairness and social justice, distorts competition, hinders economic institutions and the moral fondations of society. » Nous aurons l’occasion de revenir sur les solutions qu’il propose, en particulier une « independant and accountable agency » et, surtout, une « proper selection of personnel with decent terms of employment ».

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