L’émotion était à son comble samedi, au cimetière, avenue du Soldat Britannique, 1070 Anderlecht, en Belgique, et parallèlement ici à Maurice, où la famille, les amis et autres proches s’étaient rassemblés pour dire un dernier adieu, par visoconféence pour certains, à Jacques Joël Fabrice Selvon, parti sur la pointe des pieds, à l’âge de 43 ans, dimanche dernier. Un véritable choc pour ceux qui l’ont côtoyé de près ou de loin. Car Fabrice Selvon était loin d’être un être ordinaire. C’était un battant, un soldat, un Mauricien, un vrai
Sa vie n’a pas été un long fleuve tranquille. Mais Fabrice était de ceux, rares, qui ont une force extraordinaire pour toujours avancer. D’ailleurs, sa devise était : APA — Accepter, Positiver et Avancer. Le vendredi 10 février encore, à la veille de son hospitalisation d’urgence, il en parlait. Il avait appelé ce jour-là, tout en sachant que j’étais débordée par le travail, pour prendre un rendez-vous téléphonique pour le mercredi 15 février. Il voulait à tout prix que la Journée mondiale du rein ne passe pas inaperçue à Maurice et que ce soit une occasion d’amener les autorités à réfléchir sur les possibilités de faire la dialyse à domicile. Il faut dire que depuis plusieurs années, Fabrice militait pour le bien-être des patients atteints de maladies rénales, et notamment de diabète. Et il s’y connaissait. Pour cause, lui-même se battait depuis son adolescence contre la maladie. Une maladie qu’il avait appris, avec ses hauts et ses bas, à “mater” comme il disait.
Mais effectivement, Fabrice n’a pas eu une vie tranquille. Outre le coma diabétique qu’il a connu, les périodes d’anémie, les amputations, les greffes de rein et de pancréas et autres coronarographies, il n’a aussi pas toujours été au top de la forme. Mais sa joie de vivre c’était ses enfants, Lorenzo et Maëva, pour qui il n’a plus jamais voulu rien lâcher.
Et de là commença son combat pour aider les autres. Car Fabrice Selvon, totalement indépendant en dépit de son handicap, était avant tout un homme de cœur. Il avait plusieurs projets en tête, plus particulièrement pour ses compatriotes mauriciens, afin que, d’une part, le don d’organes devienne une réalité à Maurice, mais aussi pour que l’accès à la dialyse soit facilité, comme lui-même le vivait quotidiennement depuis le début de 2022. Eh oui, même s’il vivait en Belgique, Fabrice avait toujours un pied, un œil, une oreille et surtout son cœur à Maurice.
D’ailleurs, ne pouvant travailler en raison de ses complications de santé, il avait développé un rituel quotidien qui mettait son pays natal au centre de ses activités. La radio mauricienne, c’était son réveil et son coucher. Fabrice était aussi très présent sur les réseaux sociaux. Non pas pour faire valoir ses assiettes ou autres clichés affectionnés par les internautes. Mais pour donner de ses nouvelles, et surtout évoquer ses points de vue quant à la situation à Maurice, car Fabrice était avant tout un grand patriote. Les photos de lui, enrubanné du drapeau de Maurice à maintes occasions, comme lors des manifestations de rue, ou encore lors des Jeux des îles, entre autres, parlent d’elles-mêmes. Il était connu pour ne pas supporter les injustices et il le faisait savoir.
APA
Fabrice était toujours aussi prêt à aider les autres en difficulté. Outre ses « ti-conseils » ou ses bonnes adresses qu’il refilait à ceux qui nécessait une assistance au cours de leur maladie, Fabrice ouvrait aussi tout grand ses portes à ceux qui avaient besoin d’asile. Comme il l’avait fait savoir aux Mauriciens qui souhaitaient quitter l’Ukraine dernièrement. Son grand coeur, on pouvait aussi le voir auprès de ses deux enfants. En père aimant et attentionné, il avait développé une complicité inégalable avec Lorenzo et Maëva, les raisons de son combat pour vivre, les raisons de sa joie de vivre, les raisons de sa détermination à Accepter, Positiver et Avancer.
Samedi dernier, lorsque Fabrice annonçait la « mauvaise nouvelle ce matin », disant qu’il devait se rendre d’urgence à l’hôpital, car son taux de glycémie avait augmenté drastiquement alors que son taux de potassium était trop bas, au risque de faire un coma, encore une fois il demandait à ses amis de ne pas s’inquiéter pour lui. « Vous me connaissez assez bien maintenant et toujours voir le verre à moitié plein que vide », avait-il écrit. Sans oublier sa devise : APA. Nul ne pensait que ce serait un de ses derniers posts. D’ailleurs, lui-même ajoutait « Update soon… ». Ce qu’il a fait quelques heures plus tard en expliquant très bien les scénarios possibles. Malheureusement, c’est le deuxième cas de figure qui a primé et Fabrcie nous a quittés sur la pointe des pieds. Dès l’annonce de son départ dimanche matin, les réseaux sociaux ont été inondés de messages de soutien à sa famille endeuillée, mais aussi de témoignages poignants de ceux qui l’ont connu de près ou de loin. Un gage d’amour envers un être ordinaire. Un battant, un soldat, un Mauricien, un vrai. Un exemple d’abnégation, une inspiration. Si Fabrice est parti, comme il disait toujours, quoi qu’il arrive, sa devise tient toujours : APA.
Pour toi Fab, nous continuerons.