Le Guide - Législatives 2024

Realpolitik et souveraineté territoriale : Ces grains de sable, objets de convoitise sans frontières

   Agaléga : avec la piste d’atterrissage et la jetée prêtes, les habitants ballottés entre admiration et angoisse

- Publicité -

  Un leitmotiv indiscutable : « What’s next ? Ki nou lavenir dan nou zil ? Ki pe atann nou ? »

  Saint-Brandon : le GM, à travers l’AG Gobin, ouvre le front de la revendication de l’archipel en brandissant la Constitution face à Raphaël Fishing, qui détient un Permanent Lease

L’année 2023 s’annonce-t-elle comme celle de l’océan Indien ? D’abord, sur le plan des relations internationales, l’axe Londres-Washington, avec le soutien tactique de New Delhi, veut mettre en état d’échec et mat les ambitions de contrôle de Beijing dans le bassin de l’océan Indien. Puis, plus près des préoccupations de la République de Maurice, des enjeux aussi stratégiques se mettent en place. Depuis la fin de l’année dernière, Londres et Port-Louis ont entamé des négociations en vue de mettre au point les détails de l’exercice et de contrôle de la souveraineté de Maurice sur l’archipel des Chagos avec en backdrom le Droit international. En marge de ces échanges se déroulant sous le sceau du secret, l’ancien Premier ministre et leader du Parti travailliste, Navin Ramgoolam, a cru pertinent d’intervenir pour mettre au point les étapes préalables menant à l’avis consultatif de la Cour Internationale de Justice de La haye sur les Chagos. Toutefois, en ce début d’année, ce qui semble être le plus concret demeure la mise en opération des installations militaires, sous forme d’une piste d’atterrissage et de la jetée dans l’archipel d’Agalega, avec l’Inde injectant dans un premier temps une enveloppe financière de Rs 8,8 milliards, montant susceptible de croître au décompte final. Autant affirmer qu’en ce début de 2023, ces grains se sable parsemés dans l’océan Indien suscitent des convoitises sans frontières compte tenu de la dernière initiative du gouvernement par rapport aux revendications sur l’archipel de Saint-Brandon, avec la remise en question du permanent lease détenu par la société Raphaël Fishing Co. Ltd sur les îles.

À Agalega, le chantier opéré par Afcons Ltd est on target. Le 26 juillet de l’année dernière, répondant à une Private Notice Question du leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval, le Premier ministre, Pravind Jugnauth, annonçait la fin du gros oeuvre à Agalega pour la fin de 2022 en ce qui concerne la jetée et pour ce mois de janvier pour le volet d’Air Traffic Control Tower, Passenger Terminal Building, Aircrafty Hangar et la sous-station électrique.

Dans l’île du Nord d’Agalega, en ce début d’année, les dortoirs des ouvriers indiens commencent à se vider. Ils étaient quelque 1500 sous contrat avec Afcons Infrastructure, qu a déjà pris les dispositions pour les faire rentrer en Inde. Ce changement dans le décor de l’archipel, avec notamment des infrastructures des plus modernes (voir les dernières photos), provoque des mixed feelings au sein de la population comprenant 330 habitants, soit 170 hommes et 160 femmes.

Les interrogations fusent quant à leur avenir. « What next ? Ki pou ariv nou ti zil aster-la ? Ki pe atann nou ? » se demandent ces Mauriciens qui, depuis leur naissance, vivent sur cet archipel de la République. Au cours des derniers six mois de l’année dernière, les contracteurs indiens ont mis les bouchées doubles pour résorber le retard accumulé avec la pandémie de Covid-19. Initialement, toute l’infrastructure aurait dû être livrée dès 2020.

Avec l’étape des finition works engagée, le calendrier officiel prévoit la livraison de la jetée en avril/mai prochain. En attendant la mise en opération de ces nouvelles infrastructures portuaires, le débarquement des passagers et des marchandises se fait toujours en haute mer, et des pirogues assurant la navette jusqu’à l’actuelle jetée. Le nouveau quai d’embarquement/débarquement, en forme de « L », est tout aussi imposant. Cette nouvelle jetée est de 175 m de long (allant de la plage à la mer), tandis que la partie horizontale fait 200 mètres.

Pour la piste d’atterrissage, les gros travaux ont été bouclés depuis la fin de l’année dernière, alors que les «building works for the associated infrastructure are likely to be completed by January 2023.» Toutefois, tout le volet de la mise en place des équipements de communication et d’air traffic control ne devra être complété que vers juin de cette année, période prévue pour le commissioning de cet aéroport, doté d’une piste longue de trois kilomètres et large de 60 mètres, soit nettement mieux que l’aéroport régional de Plaine-Corail à Rodrigues.

En parallèle, outre le départ des ouvriers, Afcons a entamé la démolition des dortoirs et d’autres facilités érigées et le démantèlement des gros équipements du chantier et leur renvoi à Maurice au fur et à mesure. Afcons Infrastructure fait également un effort allant dans le sens de l’embellissement de l’environnement et à redonner à l’île du Nord son côté naturel verdoyant d’avant 2019.

« Viv isi ziska lafin nou lavi »

Devant cette transformation de l’île principale, les Agaléens sont par ailleurs impressionnés par la tour de contrôle de l’aérodrome, soit d’une hauteur de 36 mètres, et par l’ensemble du développement infrastructurel survenu en trois ans. « La transformation de l’île est spectaculaire ! Nous sommes émerveillés par tant de constructions », témoignent des habitants. Mais il est important de souligner que ces projets de développement ne concernent qu’une partie de l’île du Nord, soit du début du Village La Fourche jusqu’à l’entrée du Village 25. Le reste de l’île et l’île du Sud sont restés intacts.

La triste réalité demeure que la population locale n’a pas été impliquée dans la réalisation de ces projets. Toutefois, les Agaléens ont suivi avec attention le déroulement des travaux. De par leurs observations, ils affirment avoir appris « beaucoup de choses intéressantes sur les techniques de construction et sur le savoir-faire des travailleurs indiens. » Un habitant du village de La Fourche raconte : « Depi zot koumans koup bann pie, nou finn get zot kouma zot travay. Nou finn dekouver bann nouvo zoutil travay e sirtou bann masinn ki zame nou finn trouve avan. »

Aujourd’hui, à l’achèvement des travaux, les Agaléens vivant sur leurs terres natales sont anxieux quant à leur avenir chez eux. La dimension de cette nouvelle piste d’atterrissage et de la nouvelle jetée paraît démesurée en comparaison avec la superficie de cette petite île. D’où les nombreuses questions pertinentes dans l’archipel et à Maurice quant à l’utilisation future de ces nouvelles facilités aéroportuaires.

Les réactions sont quasi unanimes dans les maisons à Agalega : « Nou bien kontan bann developman ki finn arive kot nou. Me kifer inn konstrwir enn lapis bien gran koumsa ? Nou pe atann ki bann otorite dir nou ki pou arive kot nou aster-la ? Eski nou pou kapav kontinie viv isi ziska lafin nou lavi ? »

Et ces familles n’ont pas tort de s’inquiéter, surtout qu’elles n’ont toujours pas obtenu le titre de propriété de leur modeste maisonnette, malgré les nombreuses requêtes en ce sens entreprises depuis plusieurs années. Quant au dispositif de sécurité, bien renforcé autour de la piste d’atterrissage et de la jetée, et les panneaux Restricted Area, bien visibles, ils les font aussi sourciller. Il faut dire qu’avant 2019, les habitants avaient l’habitude d’aller où ils voulaient dans l’île…

Les habitants ont aussi d’autres interrogations, et pas des moindres. Qui seront affectés dans les services de l’aérodrome et du port ? Les jeunes de l’archipel auront-ils la chance de décrocher un emploi ? Quel type d’avions et de bateaux y seront accueillis, et à quelle fréquence ? Pourront-ils à l’avenir faire le voyage vers Maurice en avion et, si oui, à quel prix ? Et les habitants d’espérer ardemment que leurs demandes répétées pour un meilleur service de santé deviennent enfin réalité, de même que les enfants bénéficient d’un système éducatif tenant compte des réalités de l’archipel et bénéficient des mêmes chances que les enfants à Maurice s’agissant des facilités dans les écoles.

Dans la conjoncture, les Agaléens ne demandent pas le luxe, mais tout simplement une amélioration des services de base leur permettant de vivre plus confortablement et d’envisager l’avenir avec plus de sérénité et une plus grande confiance. La mise en opération imminente de la nouvelle piste d’atterrissage changera-t-elle la vie de nos compatriotes à Agalega ? Et si oui, de quelle manière ?

Pour l’heure, les Top Chefs de Lakwizinn du PMO sont les seuls à savoir ce que sera l’avenir des Agaléens au sein de la République…

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -