Les petites îles coralliennes et volcaniques qui parsèment le littoral mauricien ont toutes un charme unique et pittoresque qui attirent la curiosité des visiteurs étrangers, mais aussi de très nombreux locaux en quête d’une journée mémorable, hors des sentiers battus, dans des lieux authentiques et quasi-exclusifs. Ils profitent ainsi des pique-niques organisés par ceux qui ont fait main basse sur ces îlots qu’ils rejoignent à bord d’embarcations diverses, privées ou organisées, afin de se dorer au soleil, prendre un bain dans ces lagons immaculés et déguster de succulentes grillades préparées sur place.
Tout cela est au début idyllique, jusqu’à ce que la surexploitation du lieu aboutisse à une situation de rupture environnementale, puisque le seuil de tolérance est dépassé à cause du non-respect du nombre, et que les déchets engendrés virent à la pollution et mettent en danger l’équilibre écologique de l’île. Tout cela arrive lorsque l’anarchie s’installe. C’est actuellement le cas à l’île au Phare, un de ces lieux magiques de la baie de Mahébourg, pas loin du sanctuaire écologique qu’est l’île aux Aigrettes, dans une baie récemment souillée et qui se remet lentement des effets néfastes du Wakashio…
L’île au Phare figure sur toutes les brochures locales et internationales des plus belles îles, qui décrivent cette île chargée d’histoire en ces termes très élogieux : « L’île aux Fouquets, aussi connue sous le nom de l’île au Phare, se situe au sud-est de Maurice, au large du village de Mahébourg. D’une superficie d’environ 5 hectares, elle est classée monument historique. Les vestiges du phare et autres structures datant de l’époque des colonies sont encore présents et préservés. L’île aux Fouquets est posée sur des récifs au bord d’un abîme qui peut être visité. Depuis le sud-est de Maurice, on aperçoit au loin ce phare où les vagues viennent se briser. Le lagon, parfois agité, est profond de 4 à 6 mètres, quant à la passe, elle est d’une profondeur de 40 mètres. Cette petite île rocheuse, a été témoin de la victoire navale napoléonienne française et est inscrite sur l’Arc de Triomphe à Paris. »
Mais ces rappels historiques n’ont évidemment aucun effet sur ceux, de plus en plus nombreux, qui tentent d’y trouver aussi leur bonheur, pour ne pas dire leur dû, pour service rendu lors des échéances électorales… Jusqu’à ce que les langues commencent à se délier pour tirer la sonnette d’alarme. « L’histoire se répète du Nord au Sud , c’est seulement la couleur du drapeau qui a viré du bleu à l’orange dont, nous dit-on sur place, les politiques de la circonscription, sous pression, encouragent, pour ne pas dire valident, ce développement anarchique de l’exploitation touristique de l’île au Phare. »
Chacun se souviendra des polémiques engendrées par la surexploitation de ces îlots surtout dans le nord — île Plate, îlot Bernache, îlot Gabriel, etc. — et de l’est — îlot Mangénie et l’île aux Cerfs —, où agents proches des politiques en vue d’alors avaient fait mainbasse sur ces îlots avant qu’un semblant de régularisation soit mis en place sous la pression de la population locale, des hôteliers mais aussi des ONG, elles, plus préoccupées par la protection de la nature et des espèces animales .
Maintenant, ce sont des îlots du sud qui font l’objet de convoitise d’agents politiques « ki pe rod zot bout » et aux premières loges, c’est l’île au Phare, pourtant patrimoine historique, qui est l’objet d’une anarchie qui met en péril l’équilibre environnemental de ce lieu chargé d’histoire. Comme souvent, la valeur patrimoniale d’un lieu historique ne fait pas le poids par rapport à son exploitation financière, surtout lorsqu’à l’horizon se profilent des échéances électorales.
« Rod zot bout »
Ceux qui se sont rendus sur l’île au Phare récemment ont témoigné pour Week-End, avec photos à l’appui prises lors de leur très récent périple. Ils déclarent en chœur, choqués et déçus : « On a été choqués de l’état d’insalubrité de cet îlot magnifique, en train de devenir un véritable exemple de cacophonie certains jours. Aux plus mauvais jours des îlots Gabriel, Bernache ou Mangénie. On est revenus dix ans en arrière. Désormais, c’est le commerce qui prime et cela au détriment de la qualité de la nourriture et des services. Des déchets accumulés à même le sol volent avec le vent et s’éparpillent. On a l’impression que l’îlot a été abandonné aux personnes qui ne pensent qu’à se remplir les poches, sans respect pour ce patrimoine et son environnement. »
Nos interlocuteurs, des visiteurs mais aussi un exploitant historique du lieu parlent d’un va-et-vient incessant d’embarcations, dont de puissants hors-bord qui portent atteinte à la vie du littoral proche des lieux d’embarcation ou de débarquement sur cette île. Prises proches du phare en surplomb, les photos laissent voir ces marquises, colorées, qui servent de protection contre le soleil pour «la cuisine » et la « salle à manger». En outre, le lieu est dépourvu d’un minimum d’infrastructures et chacun peut imaginer le spectacle et à quoi peut servir le Phare qui n’est point entretenu et qui sert à l’occasion de lieu de dépôt pour le matériel des exploitants de l’île. Certains disent avoir vu des visiteurs s’approprier des pierres du phare pour les ramener à la maison comme trophées ou souvenirs !
Que font les gardes-côtes devant ce va-et-vient excessif de bateaux ? Que font les autorités pour agir et faire appliquer la réglementation comme ce fut le cas dans le passé dans les autres îlots autour de l’île ? Pour l’île au Phare, il est urgent d’agir pour qu’elle garde son cachet et pour que la région de Mahébourg et son littoral préservent leur authenticité…surtout après la catastrophe traumatisante de la pollution engendrée par l’échouage du Wakashio en 2020.