Le phénomène Rishi Sunak

La nomination de Rishi Sunak n’a pas laissé insensibles beaucoup de Mauriciens. Les réactions ont en effet été observées dès l’annonce faite à l’effet qu’il sera choisi par le parti conservateur britannique comme leur leader pour succéder à Liz Truss, dont l’investiture par la Reine Elizabeth avait été une des dernières fonctions officielles de cette dernière avant son décès, survenu deux jours plus tard. Liz Truss n’a pas fait long feu. Elle a été victime de sa politique fiscale, qui avait provoqué une baisse vertigineuse de la livre sterling, et ce faisant, avait alimenté l’inflation en Grande-Bretagne. Elle s’était retrouvée dans l’obligation de limoger son ministre des Finances, Kwasi Kwarteng, qui a ensuite été remplacé par Jeremy Hunt. Ce dernier, aussitôt après sa nomination, a rétabli immédiatement toutes les mesures fiscales que son prédécesseur avait supprimées. Liz Truss s’est donc retrouvée en porte à faux, et n’a eu d’autre choix que de soumettre sa démission.
La nomination de Rishi Sunak, qui avait il y a deux mois été battu par Liz Truss lors des élections organisées au sein du parti conservateur, a donc d’abord et avant tout une dimension économique. En tant que chef du parti conservateur et du gouvernement, il n’a pas caché que son gouvernement était appelé à prendre des mesures difficiles. « Je placerai la stabilité et la confiance économiques au cœur du programme de mon gouvernement », a annoncé le nouveau locataire du 10 Downing Street, à Londres.
Il a même annoncé qu’il ne se rendra pas à Sharm El Sheik, qui accueillera la 27e conférence des parties à la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP 27), à partir du 6 novembre prochain, pour se concentrer sur la crise économique qui touche la Grande-Bretagne. Il préfère consacrer son temps à la préparation du prochain budget, prévu pour le 17 novembre.
Dans la presse britannique, le couple Rishi Sunak et Akshata Murty (fille du fondateur d’Infosys et une des familles les plus riches en Inde) semble avoir volé la vedette aux membres de la famille royale. Il semblerait même que le couple soit plus fortuné que les locataires de Buckingham Palace.
À Maurice, nonobstant notre intérêt pour tout ce qui se passe en Grande-Bretagne, tant au Palais de Westminster que sur le plan culturel et musical, mais aussi et surtout footballistique, la nomination de Rishi Sunak a un petit quelque chose en plus. Beaucoup de Mauriciens se reconnaissent en effet en lui en raison de ses origines indiennes. C’est la première fois qu’un hindou pratiquant, dont l’épouse a gardé sa nationalité indienne, est nommé à la tête du gouvernement britannique. Il est donc considéré comme faisant partie de la diaspora indienne.
Le président de Gopio International, Mookhesswur Choonee, n’a d’ailleurs pas manqué de souligner ce « proud moment for both the indian diaspora and India ». Il poursuit : « Of great historic value, this appointment mirrors the growing power of the indian diaspora all over the world. » Plus important encore, le président de Gopio international estime qu’en plaçant sa confiance en Rishi Sunak, le parti conservateur britannique a contribué à la promotion du multiculturalisme à travers la nomination d’un membre d’une minorité éthique, qui représente 2,5% de la population britannique.
Hier, la Voice of Hindu a organisé une Tea Party en l’honneur du nouveau Premier ministre britannique. On ne sait si Rishi Sunak, qui visiblement a une dimension internationale, s’associe à ce genre d’analyse, mais ce qui est vrai, c’est que le parti conservateur a choisi la personne qu’il considère la plus compétente et la plus consensuelle en son sein pour l’instant.
À Maurice, on peut toujours rêver que ce soit la compétence qui motive le choix du chef du gouvernement, quel que soit le groupe ethnique auquel il appartient. Il faut reconnaître que le système politique mauricien est loin d’être le Westminster System, qui est pourtant une importance source d’inspiration pour le pays. On imagine en effet difficilement qu’un parti, fut-il le MSM, le PTr, le MMM ou le PMSD, décide de virer le leader de leur parti, et encore moins s’il est le chef du gouvernement. La seule fois où Pravind Jugnauth a remplacé son père en cours de route sans passer par les élections générales, on l’a traité de Premier ministre « linpos ». Donc, selon cette logique, Rishi Sunak aurait pu être lui aussi un Premier ministre « linpos ». Est-ce qu’il sera toujours leader du parti conservateur lors des élections générales de 2024 ? Ça, c’est une autre paire de manches.

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