Les membres de la délégation ayant participé à l’expédition du Bleu de Nîmes dans les eaux chagossiennes, et donc mauriciennes, seront de retour à Maurice cette semaine avec le sentiment du devoir accompli. À l’évidence, la mission a bénéficié d’une couverture étendue, en particulier en Grande-Bretagne, en raison de la présence de journalistes britanniques à bord du navire, dont ceux du Guardian et de la BBC. Tous ceux que le dossier Chagos intéresse ont eu l’opportunité de suivre la progression de la mission à travers la presse étrangère et les médias sociaux, que ce soit sur Twitter ou Facebook, et ont pu entendre les témoignages des participants, dont les Chagossiens, à travers des podcasts ou sur YouTube.
À Maurice, malgré l’absence de représentants de la presse indépendante, écrite ou parlée, les médias ont dans leur ensemble donné une couverture honnête à l’événement sur la base des informations recueillies ou publiées de part et d’autre, dans les limites de leurs possibilités. Les déclarations du Premier ministre par rapport aux Chagos et à l’expédition ont été largement diffusées. Comme la question fait consensus, les partis de l’opposition ont fait des remarques d’ordre général afin de s’assurer que le million d’euros en provenance des fonds publics pour ce voyage a été dépensé judicieusement. Il serait injuste de dire que cette visite a été traitée comme un simple fait divers.
Cela dit, le voyage a été un moment significatif. L’ancien chef de l’opposition britannique et dirigeant de l’All Party Parliamentary Group, Jeremy Corbyn, ne cache pas son émotion. « These past few days mark a momentous and historic occasion in the life of Chagossians and anyone else who has campaigned tirelessly for their Right to Return to the Islands from which they were banished over 50 years ago », écrit-il. À plus d’un titre, le voyage fera date dans les annales : c’est la première fois que des Mauriciens sont en mesure de se rendre dans l’archipel sans la surveillance britannique.
Le débarquement des Chagossiens sur leurs terres natales a été empreint d’émotions. Les souvenirs de leur départ forcé sont encore vivaces. Olivier Bancoult, Lisbey Elyse, Marie Suzelle Baptiste, Rosemonde Bertin et Marcel Humbert en parlent successivement aux médias internationaux, avant d’aller s’incliner sur les tombes de leurs parents et grands-parents. Les épisodes les plus honteux de l’histoire britannique remontent à la surface : le déracinement forcé des Chagossiens, entassés à bord des bateaux destinés à transporter le guano, l’extermination des animaux de compagnie, chiens, chats, bourriques, volailles… Tout cela est considéré aujourd’hui comme un crime contre l’humanité. Ces récits ont pesé lourd devant la Cour internationale de justice.
On se souviendra aussi de la cérémonie de lever du drapeau par l’ambassadeur Jagdish Koonjul, chargé de hisser le quadricolore mauricien en haut du mât sur la place de Peros Banhos. Cette photo a fait le tour du monde. Ce geste symbolise l’aboutissement d’une lutte menée durant des années aussi bien par des Chagossiens que par des militants mauriciens en faveur du retour des Chagossiens dans leurs îles natales. Mais il symbolise surtout pour Maurice son droit de souveraineté sur les Chagos.
Ce voyage a rallumé chez les dirigeants chagossiens le rêve que leur retour aux Chagos est possible. Pour Philippe Sands, conseiller légal de Maurice, la décolonisation des Chagos par les Britanniques est proche. « Ce n’est qu’une question de temps », fait-il comprendre.
La dimension scientifique de la mission semble s’être déroulée normalement. Les scientifiques ont été en mesure de trouver un morceau de terre qui reste émergé, même à marée haute. Jagdish Koonjul y a une nouvelle fois planté un drapeau mauricien. Les autorités mauriciennes gardent l’espoir de pouvoir ajouter une superficie de 4 800 km carrés à la zone économique mauricienne, estimée à 2,6 millions de km carrés pour le moment. Il revient à la chambre spéciale de l’ITLOS, qui se penche sur contentieux opposant Maurice aux Maldives, d’en décider.
Avec tous ces développements, la République de Maurice est appelée jouer un rôle de premier plan géopolitique dans la région, alors que le concept de l’Indo-pacifique prend de plus en plus d’importance. Saurons-nous en tirer profit ?
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