Vinod Seegum, (GTU) : « Si je ne guide pas son prochain président, le syndicat va faillir »

Le contexte sanitaire ne le permet pas. Sinon, la Government Teachers’Union (GTU), le principal syndicat des enseignants du primaire, aurait déjà eu son nouveau président après des élections animées, comme à l’accoutumée. Depuis mai dernier, Vinod Seegum, 65 ans, n’occupe plus ce poste. Il y est resté pendant 16 ans. Il n’a pas pour autant pris ses distances des affaires de la GTU, donnant l’impression qu’il garderait une mainmise sur le syndicat. Il explique pourquoi il est toujours aussi présent dans le giron de la GTU.

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l  Normalement, vous n’êtes plus président de la GTU. Mais vu que les conditions sanitaires ne permettent pas la tenue des élections, vous restez dans le giron du syndicat. Cette présence prolongée à la GTU vous plaît-elle ?

I am driven by my commitment. Je n’ai jamais pris un jour de congé. Durant les 16 ans de présidence, j’ai été au bureau du 1er janvier au 31 décembre. Je pense être le seul président à avoir fait cela. Je viens au bureau pour demander la grâce au Bon Dieu afin de nous préparer pour le travail qui nous attend pendant une année. Vous savez, nous passons quasiment tout notre temps dans ce bureau. Je fais ce travail non seulement par amour, mais aussi parce que le Bon Dieu a voulu qu’il en soit ainsi. J’aurais été bien loti si j’avais choisi de continuer ma carrière dans une école, j’aurais donné des leçons, j’aurais eu de l’argent. Tandis qu’au syndicat, je ne reçois pas d’argent. Mon salaire c’est le gouvernement qui me le donne.

l  Votre démarche peut donner l’impression que vous aurez la mainmise sur la prochaine présidence de la GTU…

Non, je n’aurai pas la mainmise sur la GTU. Pour celui qui prendra la présidence, les débuts seront difficiles. Il faudra guider le prochain président. Si je ne le fais pas, le syndicat va faillir. C’est dans cette optique que l’Employment Rights Act prévoit qu’arrivé au moment de sa retraite, celui qui dirige un syndicat y reste comme un conseiller et non président. Même s’il est un fait qu’actuellement les enseignants me plébiscitent, je ne vais pas briguer un autre mandat. J’aurais pu apporter une motion à l’assemblée générale pour rester à ma place. Pour l’instant, la GTU n’a pas de président. Nous étudions la possibilité d’organiser l’assemblée générale du syndicat en ligne. Cela demande une bonne maîtrise de l’informatique.

l  Après 16 ans à la tête du plus gros syndicat du primaire, pensez-vous avoir marqué la vie des enseignants que vous avez défendus ?

Oui ! Le premier changement que j’ai apporté à l’époque a été de rallonger les vacances d’août qui sont passées de trois à quatre semaines. Quand je suis arrivé à la présidence de la GTU, j’ai relancé le diploma course, qui avait été interrompu. 2 000 enseignants en ont profité. Au PRB 2008, j’ai été déposé le mémorandum de la GTU que nous avons préparé sans avoir eu à débourser un sou, contrairement à mon prédécesseur, qui lui avait payé une firme privée lors du précédent exercice. Ce PRB de 2008, a été pour moi le meilleur que nous ayons connu, car les enseignants ont bénéficié d’une augmentation de 40 %. J’ai fait démarrer le Diploma in Educational Management pour les aspirants maîtres d’école, recommandé par le PRB de 2008 avec deux increments, dont le travel grant de
Rs 7 250. Ma deuxième bataille a été l’alignement des salaires des enseignants du primaire sur ceux du secondaire, et ce, malgré l’indignation des syndicats des collèges. Même l’ancien ministre de l’Éducation, Vasant Bunwaree, n’avait pas totalement compris pourquoi je me battais pour l’alignement salarial. Mais lorsqu’il a vu que la GTU avait raison, il m’a accordé tout son soutien. Il a même envoyé ses officiers soutenir la GTU pendant la common deposition. À quatre jours de la publication du rapport de 2012, on m’avait rassuré que l’alignement salarial serait une réalité dans le rapport. Mais il n’en a été rien ! Vous imaginez la frustration des enseignants. Mais mo pa’nn kil parad ! Pour le présent rapport, nous attendions l’alignement salarial complet degree to degree que nous n’avons pas obtenu, par revanche, car le PRB n’a toujours pas digéré l’alignement apporté par le Error & Omissions and Anomalies Committee de Manraj.

l  Vous partez sur une note d’échec ? De plus, le PRB 2021 a qualifié le B. Ed Course de development programme au détriment des enseignants qui ont suivi ce cours et qui ne seront pas rémunérés en fonction de leur diplôme…

L’échec revient au PRB: Je n’ai pas peur de le dire haut et fort, le PRB nous a servi du réchauffé. Je ne pars pas avec un sentiment d’échec, parce que je serai là pour accomplir l’alignement complet des salaires degree to degree, pas en la capacité de président de la GTU, mais en aidant mon successeur. D’ailleurs, j’ai déjà commencé à rassembler des arguments et contacter le Mauritius Institute of Education. Celui-ci n’a jamais dit que le B. Ed est un Development Programme. J’aurais une rencontre à l’institut. Tout comme j’ai un document du MIE qui a pesé lourd dans l’alignement de diplôme à diplôme. Bientôt, j’aurai un autre papier qui stipulera : a degree is a degree. J’irai également à la Mauritius Qualifications Authority pour faire certifier le B. Ed. Et as last resort, s’il le faut, j’irai en Cour suprême.

l  Le PRB a aussi omis la recommandation des postes de supervisory grade pour le kreol morisien…

Pena zes, je vais parvenir à faire introduire des supervisory grades pour le kreol morisien. La procédure que le PRB aurait dû avoir faite est purement basique. Il aurait dû calculer le nombre de Deputy Head Teachers nécessaire en se basant sur le nombre d’enseignants de KM pour obtenir un ratio. À partir du nombre de DHT, il calcule le nombre d’assistant supervisors, puis supervisors et chief supervisors dont on a besoin. Mais le PRB s’est déresponsabilisé sur cette question. Je résoudrais ce problème, mais aussi celui des Support Educators, parce que c’est le seul grade avec un certificat alors que les autres enseignants sont diplômés, ce qui accentue une disparité entre les grades.

l  La GTU a toujours été critiquée pour son ingérence dans l’exercice de transfert. De favoriser les enseignants qui veulent être postés dans des écoles star, travailler au plus près de leur domicile… Que répondez-vous à ce reproche ?

La GTU est partie prenante dans l’exercice de transfert, elle ne s’y ingère pas. Les critiques viennent des adversaires de la GTU qui ne reconnaîtront jamais ce que nous faisons de bien. Le comité de transfert n’est pas tombé du ciel. C’est un accomplissement de la GTU et de personne d’autre. Beaucoup de syndicats non reconnus ont demandé à y siéger. Mais le ministère de l’Éducation est en droit de leur demander de justifier leur demande et de présenter un document solide en ce sens. Les enseignants ne veulent plus aller travailler dans des écoles dites star. Il faut voir les problèmes que nous avons pour poster des enseignants à Raoul Rivet GS, SVR GS… de grandes écoles avec de grosses pressions !

l  Aux derniers résultats du Primary School Achievement Certificate, la majorité des écoles de la ZEP (Zone d’éducation prioritaire) a régressé de manière inquiétante. Quelle est la part de responsabilité des enseignants dans la baisse de performance de ces écoles ?

Ces enseignants font leur maximum. Il est très difficile de travailler dans des écoles de la ZEP. Ce secteur compte 500 enseignants, lesquels sont appelés à travailler avec des enfants qui sont confrontés à une multitude de problèmes sociaux et familiaux. Malgré cela, il y a des écoles de la ZEP qui ont très bien fait au dernier PSAC. Il y en a qui ont eu plus de 80% de réussite. Cependant, la ZEP a besoin d’une refonte. Il est dommage que le PRB n’ait pas fait ressortir cela. Il faut écouter les enseignants, les maîtres d’école et ex-maîtres d’école de la ZEP à travers un forum. Eux connaissent les vrais problèmes de leurs écoles. Les recommandations sur papier ne serviront à rien sans une rencontre interactive avec le corps enseignant. J’en avais souvent parlé à l’ancien ministre de l’Éducation Vasant Bunwaree. Il n’était pas réceptif au début. Je lui disais qu’il ne devait pas qu’écouter la ZEP Unit sans en faire autant avec les enseignants. Il l’a fait effectivement, mais une seule fois. Je réitère le même appel à la présente ministre de l’Éducation : au lieu de passer par les syndicats, allez à l’écoute des enseignants de la ZEP. Ils ont des solutions aux problèmes du secteur.

l  C’est la deuxième fois que vous citez l’ancien ministre de l’Éducation Vasant Bunwaree. C’est celui avec lequel vous avez le plus d’affinités et qui aurait été, selon vous, le meilleur à ce poste ?

Vasant Bunwaree n’a pas été le meilleur ministre de l’Éducation. D’ailleurs, nos relations ont été plutôt difficiles à son arrivée au ministère. Elles se sont décantées par la suite. Je n’ai jamais eu de préférence pour un ministre en particulier. Nous travaillons assez bien avec l’actuelle titulaire. La GTU se doit de travailler avec tous les ministres de l’Éducation, car notre objectif est de défendre et promouvoir les conditions de travail des enseignants.

l  Le ton et le langage dans les groupes d’enseignants, indépendamment de leurs affinités syndicales, sur les réseaux sociaux ne font pas toujours honneur à leur profession. Le niveau des débats vole très bas ! 

Malheureusement, c’est une tendance généralisée. Je ne tolère aucun écart de langage dans notre groupe. Je surveille notre forum tous les jours. Il y a des lois qui condamnent des dérapages.

l  En parlant de loi, en mai dernier, la Cour d’appel annule trois amendes qui vous ont été infligées en 2015 (ndlr : pour des commentaires désagréables à l’encontre d’une syndicaliste sur Facebook) au moment de votre départ de la présidence de la GTU. C’est un beau cadeau, non ?

Le jugement est une décision de la cour et la date n’a rien à faire avec celle de mon départ. Je m’attendais à ce qu’il tombe plus tôt. L’attente a été long. Mo’nn sarie sa latant-la pandan de-z-an ! Certains de mes collègues m’ont confié qu’ils n’auraient pas pu affronter cette épreuve et qu’ils auraient sans doute commis l’irréparable. Ou kone ki ete sa ?Même mon avocat m’avait dit que j’avais trois chances sur 10 de remporter cette affaire. Se sel lapel dan sa pei-la kot zizman inn pran de-z-an. J’ai été quand même soulagé, car j’avais été affecté moralement et physiquement. Mais j’ai tenu bon. Je pense aux 150 membres qui n’avaient pas hésité à me soutenir et à contribuer Rs 1 000 chacun, en leur nom personnel, pour que je paye les frais administratifs et légaux. Pour la transparence je publierai la liste des noms de ceux qui m’ont aidé.

l  Est-il probable qu’on vous retrouve quelque part sur le conseil d’un organisme public ou comme conseiller ?

J’ai entendu des rumeurs infondées à ce sujet. J’étais encore Educator quand la ministre de l’Éducation, qui était alors ministre des Arts et de la Culture, m’avait approché pour être conseiller. Si à cette époque j’ai refusé sa proposition malgré son insistance, parce que je voulais être à la GTU, je ne crois pas que je changerai d’avis aujourd’hui. Je veux profiter de ma maison, du temps qu’il me reste. J’ai passé beaucoup de temps au syndicat, c’est un engagement qui vous accapare. C’est pourquoi il y a peu qui démontrent de l’enthousiasme pour me succéder.

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