Pr Vassen Naeck : « Nous œuvrons pour une cohérence entre les institutions au niveau de la langue kreol »

Il est temps que la langue kreol passe à un autre niveau. Le professeur Vassen Naeck, nouveau président de l’Akademi Kreol Repiblik Moris (AKRM) et Acting Director du Mauritius Institute of Education, s’exprime ainsi, à l’occasion de la Journée internationale de la langue créole, observée le 28 octobre. Selon lui, il était important de se remettre au travail, après le premier parcours entrepris par l’Akademi Kreol Morisien, qui a mené à la standardisation de l’orthographe et l’introduction du kreol morisien (KM) à l’école. Pour cela, il est important, dit-il, que les différentes institutions travaillent en synergie. Et c’est justement le rôle de l’AKRM.

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Vous êtes le nouveau président de l’Akademi Kreol Repiblik Moris. Qu’est-ce que cela représente pour vous ?
Prof Vassen Naeck : C’est un grand honneur et en même temps une grande responsabilité. Je dois aussi préciser que c’est l’institution, soit le MIE, qui préside l’académie et j’en suis actuellement l’Acting Director. Assumer ce rôle constitue une tâche assez ardue car il y a beaucoup à faire. Comme vous le savez, l’AKRM est une émanation de l’Akademi Kreol Morisien qui avait été mise en place pour travailler sur une orthographe standardisée. L’AKRM a pris le relais depuis 2019, avec une responsabilité plus large, plus inclusive, englobant également les autres îles de la République. La langue est très dynamique.
Outre l’orthographe, nous avons aujourd’hui la grammaire, le dictionnaire, le lexique, ainsi qu’une littérature mauricienne. Le rôle de l’AKRM, justement, sera de permettre à la langue kreol de continuer d’évoluer et nous avons un cahier des charges pour cela. J’ajouterai que le fait même d’avoir une académie du Kreol de la République, est un prestige, une reconnaissance institutionnelle.

Quelles sont les priorités de l’AKRM ?
Comme je l’ai dit, nous avons différentes attributions et nous allons travailler sur tous ces aspects. Depuis la création en 2019, il y a eu le lancement d’un logo. On travaille actuellement sur la création d’un site web, car il faudra communiquer avec le public. Nous collaborons également avec d’autres organisations pour l’élaboration d’un cours pour les adultes. Il faut savoir qu’à part le MIE, il y a d’autres institutions comme l’Université de Maurice, la Creole Speaking Union et le ministère de l’Éducation, entre autres, qui sont impliquées. Nous prévoyons d’élaborer des cours de plusieurs niveaux et des cours du soir qui seront certifiés et validés par les institutions.
Nous mettons en place tout un service de traduction. Avec la pandémie de Covid-19, on a vu à quel point il était important de communiquer les informations dans la langue maternelle. Je constate que le ministère de la Santé s’est bien adapté et a utilisé le kreol morisien standardisé. Il y a encore beaucoup de documents importants qu’il faut traduire pour les rendre accessibles à tout le monde. La barrière de la langue doit tomber et c’est un peu notre rôle d’assurer cela.

Vous avez justement parlé des différentes institutions représentées au sein de l’AKRM. Comment gérez-vous la situation avec autant d’académiciens, ayant sans doute des visions différentes par moments ?
Nous avons un cahier des charges assez précis à respecter et tous ceux qui sont à l’académie doivent travailler dans ce sens. Nous avons la responsabilité d’assurer le développement de la langue et sa promotion. Nous avons eu plusieurs réunions jusqu’ici et tout se passe bien. Nous avons également marqué la Journée de la traduction à travers une émission à la télévision. Un comité technique a travaillé dessus. Nous allons évidemment marquer l’événement pour la Journée de la langue kreol également. Avec les restrictions sanitaires, on ne pourra faire de grands événements comme d’habitude.
Je suis confiant. Je pense que nous avons un groupe très dynamique. Notre rôle est de promouvoir cet héritage mauricien dans l’unité et la diversité. Nous allons aussi commanditer et publier des études linguistiques. Une langue, c’est dynamique. C’est pour cela que nous travaillons avec d’autres institutions comme la Creole Speaking Union et l’Université de Maurice. Nous avons aussi comme responsabilité de conseiller le ministère de l’Éducation par rapport au kreol morisien.
Toutes ces tâches nécessitent une synergie entre les différentes institutions. Le but de l’académie est d’apporter une certaine cohérence dans ce qu’on est en train de faire et de donner une direction par rapport à la langue, ainsi que les aspects culturels et artistiques de notre héritage riche et précieux.

Il y a également des revendications pour l’utilisation du kreol au Parlement. L’AKRM va-t-elle travailler en ce sens ?
Cela ne figure pas parmi nos attributions. Je pense que cela relève plutôt d’une policy decision. À notre niveau, nous allons davantage travailler sur le développement de la langue et la traduction. Tout ceci devrait aider, si jamais le gouvernement décide d’introduire le kreol à l’Assemblée. D’une certaine manière, nous sommes partie prenante. Si demain on nous demande de traduire les Standing Orders de l’Assemblée nationale par exemple, ou tout autre document relatif, nous le ferons. Car comme je l’ai dit, l’AKRM œuvre pour une cohérence entre les institutions au niveau de la langue kreol.

Le MIE a également la responsabilité de développer le programme d’études du kreol morisien pour les Grades 10 et 11. Où en êtes-vous ?
Le programme a déjà été travaillé et validé par notre Academic Board. Nous n’avons pas eu beaucoup de temps pour cela. Cela se décline en ce qu’on appelle les curriculum materials, dont les manuels. Il y a des panels qui travaillent dessus. Dans un premier temps, il a fallu donner le programme aux collèges par trimestre. L’année prochaine, en Grade 11, on sera en mesure de leur donner le textbook. Il en sera de même pour ceux qui vont monter en Grade 10 l’année prochaine. Actuellement il y a environ 400 élèves ayant opté pour le KM dans les collèges privés et d’État.

Je dirais que cette année a été une année de mise en place, mais que tout est sous contrôle. On va signer un accord de principe avec le Mauritius Examinations Syndicate et l’Université de Maurice pour le National School Certificate du KM. Le MIE élabore donc le programme, le MES apportera son expérience au niveau de l’organisation des examens et l’UOM sera l’awarding body. C’est extraordinaire quand trois institutions travaillent de concert comme cela, sous l’égide du ministère de l’Éducation et que l’on arrive à donner aukreol sa place dans l’éducation.

Il faut savoir que la Kreol Unit du MIE mise en place en 2011 se développe aussi. Elle va devenir très vite un département de langue kreol sur le même pied d’égalité que l’anglais et le français. On est dans le trilingue. On assure actuellement le PGCE pour le secondaire. On a aussi un BEd de KM. Je suis assez fier de notre parcours. En parallèle il y a des ongoing workshops pour les enseignants.

Avec la nouvelle normalité, le MIE a-t-il revu ses formations pour les enseignants ?
Nous avons une approche plutôt hybride. Presque tous nos cours ont basculé en ligne. À part les sujets comme Physical Education, où il y a une dimension de pratique. Toutes nos formations sont faites à travers Microsoft Team. On a revu aussi notre mode d’assessment. Autant que possible, on privilégie les courseworks au lieu des examens. Le MIE a beaucoup aidé le ministère pour la continuité pédagogique pendant le confinement. Nous avons assuré la formation des enseignants pour travailler sur Microsoft Team. Nous avons aidé à réaliser certaines vidéos pour le primaire. C’était une situation pénible et difficile. Nous avons aidé à trouver des solutions.

Il était question de créer un département pour la réalisation des vidéos. Où en êtes-vous avec ce projet ?
Le MIE n’a pas un département spécifique pour des vidéos. Disons que nous avons un studio, ainsi que des techniciens et des coordinators. Moi, je vois cela dans un sens plus large. C’est-à-dire, comment dans la new normal, on peut réorganiser notre institution en termes de structures.

Le MIE est composé de quatre schools, qui sont les facultés. Elles englobent les différentes disciplines enseignées à l’école. Nous avons également un Centre for Open and Distance Learning (CODL). Il est important que ce centre soit intégré aux facultés. Notre projet est que le CODL devienne aussi une school, avec plusieurs départements. La réorganisation va se faire de façon à ce qu’on ait six facultés au lieu de quatre et trois centres.

Quels sont ces différentes facultés et centres ?
Actuellement il y a un Curriculum Unit. Auparavant, c’était le NCCRD, rattaché au ministère de l’Éducation. J’ai en tête de restructurer ce centre. Nous allons aussi mettre l’accent sur l’Early Childhood et le primaire. C’est très important, car cela sert de base. Nous allons mettre sur pied un full- fledged centre pour le préscolaire et le primaire. De même pour la Quality Assurance. Nous avons aussi en tête une school pour les higher studies. Soit des masters et des doctorats. On veut travailler en collaboration avec d’autres universités pour cela, comme c’est le cas pour l’Université des Mascareignes.

Donc, dans l’ensemble, on a la School of Arts and Humanities, comprenant les trois départements de langues, les social sciences, les visual arts. Ensuite, il y a la School of Science and Mathematics, qui englobe également le Computer Studies. Il y a la School of Applied Sciences, pour tout ce qui est technologie, home economics, PE. La School of Education concerne la philosophie et la psychologie de l’éducation, le special education needs, le leadership and management etc.

Les deux nouvelles facultés que nous voulons introduire, comme je l’ai mentionné, concernent l’ upgrading du CODL. L’accent sera mis sur la technologie et l’innovation, ainsi que la digitalisation du curriculum. Et la dernière sera une School of Graduate Studies, pour aller plus loin que le BEd et le PGCE. La logique veut qu’on aille vers un MEd. Il faut permettre aux éducateurs de progresser sur l’échelle de la formation.
Les trois centres seront consacrés à l’Early Childhood and Primary, au Curriculum Development et à la Quality Assurance. Ce sera la nouvelle organisation du MIE.

En bref, un enseignant qui sort de sa formation au MIE aujourd’hui ne peut pas dire qu’il n’est pas préparé pour offrir les cours en ligne…

Non. Nous aurons un centre spécial pour cela. Il aura tous les outils nécessaires pour assurer les cours en ligne.

 

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