Le Guide - Législatives 2024

Enjeu : du choc électrique pour le sucre

  • Un Ministerial Steering Committee, présidé par Pravind Jugnauth, pour se pencher sur le salvage package de Rs 1,3 milliard de l’industrie cannière
  • Du pain sur la planche pour ce comité ministériel comprenant, entre autres, les ministres del’Agro-Industrie et du Travail pour des propositions de dégraissage de la main-d’oeuvre et l’inclusion de l’industrie sucrière classée comme un service essentiel pour les besoins de grève

En marge des consultations budgétaires, le sucre, à un prix de Rs 10 000 la tonne aux planteurs, soit une baisse de 40% par rapport au seuil de survie de RS 17 000, devrait se faire administrer un traitement de choc électrique, dans le sens propre comme dans le sens figuré pour se remettre sur les rails. En dépit des assurances galvaudées du Syndicat des Sucres de Devesh Dukhira au sujet de l’évolution du cours mondial du sucre dans le sillage du démantèlement des derniers résidus du Protocole Sucre, avec l’élimination des quotas d’exportation sur le marché européen depuis le 1er octobre de l’année dernière, la dure réalité est que ce secteur économique, jadis un des fleurons de l’île Maurice indépendante, aura besoin d’une injection de fonds de l’ordre de Rs 1,3 milliard pour se remettre d’aplomb pendant les cinq prochaines années. Le Ministerial Steering Committee, présidé par le Premier ministre et ministre des Finances, Pravind Jugnauth, s’apprête à procéder à une évaluation et à une validation des recommandations du Joint Technical Report avec pour coprésidence le ministère de l’Agro-Industrie et Business Mauritius au nom de la Chambre d’agriculture. Certes, l’energy component de l’industrie cannière est présentée comme la planche de salut du sucre. Mais le choc pourrait s’avérer davantage une décharge électrique de nature politique avec le volet des révisions des conditions d’emploi dans l’industrie sucrière en vue de réduire le coût de production. D’aucuns, notamment dans les rangs de Lakwizinn du Prime Minister’s Office, affirment que dans un contexte s’apparentant à une dernière année avant le coup d’envoi de la prochaine campagne électorale, l’Hôtel du gouvernement pourra difficilement faire sienne la décision visant à réduire de manière drastique la main-d’oeuvre dans l’industrie sucrière hors Blueprint.

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Le principal danger qui pèse sur l’industrie cannière se résume aux conséquences d’une baisse substantielle du prix de la tonne de sucre aux planteurs et autres opérateurs de l’industrie sucrière. Le balance sheet des quatre majors de l’industrie cannière, à savoir l’Alteo Group, le groupe Terra, Omnicane, l’ENL Group et sans oublier Médine, traduit cette détérioration dans le prix du sucre à l’exportation. Les opérations sucrières de ces groupes sont déjà au rouge suscitant des répercussions sur le bottomline financier.

Mais pour ces opérateurs, le danger est encore plus grave, car “the access to the EU sugar market post 2017 will be more difficult for the Mauritian sugar if we cannot produce at a price below that of our EU counterparts”. Le rapport du Joint Technical Committee, qui sera étudié par le comité minisériel sous la présidence de Pravind Jugnauth, est unanime à reconnaître que “the ex-Syndicate price paid to sugar producers for the 2017 crop has reached an enviable level of Rs 11 000 per ton of sugar, while operational costs have meanwhile increased continuously”. Et le pire est que pour la récolte de 2018, qui démarrera le 1er juin, le prix descendra encore jusqu’à atteindre Rs 10 000 la tonne.

Le Joint Technical Commttee soutient que la survie de l’industrie cannière ne sera assurée qu’avec une superficie minimale de 55 000 hectares plantés de cannes, produisant 400 000 tonnes de sucre, soit 50 000 tonnes de plus que les estimations, avec quatre millions de tonnes de cannes susceptibles de générer 510 GWh, soit 20% de la production électrique sur le plan national et 140 000 tonnes de mélasse. Ces facteurs sont présentés comme des conditions sine qua non pour la viabilité et la “sustainabilty” des revenus sucriers au cours de ces cinq prochaines années.

La pertinence de l’energy component du Turnaround Plan, annoncé par le ministre de l’Agro-Industrie, Mahen Seeruttun, s’inscrit dans la perspective qu’en cas de disparition de l’industrie sucrière, le Central Electricity Board (CEB) verra sa note d’importation de combustibles majorée de Rs 700 millions à Rs 1,5 milliard, voire même plus si le cours mondial du baril du pétrole maintient la pression à la hausse. De ce fait, le prix de soutien à la bagasse de Rs 3 000 par tonne est présenté comme incontournable.

Pour constituer le Sugar Cane Sustainaibility Fund, le Joint Technical Committee prévoit une contribution minimale de 10 sous par kWh généré par le CEB à partir des centrales thermiques, soit une moyenne de Rs 200 millions annuellement. A cela viendront se greffer les Rs 145 millions, représentant les 30 sous par litre de carburant vendu sous forme de MID Levy sur les produits pétroliers, en d’autres termes, un total de Rs 145 millions. Le tout devra être complété aux Rs 323 millions du Restricted Negotiation Committee, soit le coal levy de Rs 259 millions et le bagasse transfer price de Rs 64 millions.

Le Joint Technical Committee, qui prévoit également le paiement de Rs 600 à Rs 1 000 par tonne pour la fourniture de cane trash en vue de la producion de green energy, a arrêté un barème différencié pour la répartition du prix de soutien à la bagasse. Ainsi, les petits planteurs contribuant quelque 56 000 tonnes de sucre pourront s’attendre à une bagasse remuneration de Rs 3 092 la tonne. Les planteurs produisant plus de 60 tonnes avec au moins un tiers de la production nationale pourront prétendre à une somme de Rs 2 127, et les usiniers planteurs avec 105 000 tonnes de sucre à Rs 2 032.

Des amendements à l’Employment Relations Act
Avec cet apport de la bagasse sous l’energy component d’un peu plus de Rs 600 millions, le comité technique conjoint s’appuie sur une autre série de mesures, représentant une contribution de Rs 675 millions, dont Rs 200 millions d’environment protection fee, Rs 150 millions de cess waiver, Rs 150 millions de refund d’Excise Duty et de TVA au titre du diesel support, Rs 100 millions sous forme de majoration de droits de douane sur l’importation de sucre, de même qu’une révision des cargo handling charges et de hausse de distillers’ fee, soit un total d’un peu plus de Rs 100 millions.

Toutefois, si au chapitre de la composante bagasse du Turnaround Plan, un équilibre entre stakeholders se dessine, par contre la haute tension pourrait être de mise par rapport aux éléments alimentant les coûts de production du sucre. En préambule, le Joint Technical Committee retient le fait que “the problems of the sugar industry have been exacerbated by the fact that while sugar prices have dropped by more tha 30% over the past year, and returned to levels last seen some 20 years ago, labour costs have increased by more than 60% since 2010”. Au cours de cette même période, l’indice du coût de la vie avait progressé de 26,2%.

Cette hausse des coûts de production découle de la mise à exécution des conclusions de deux collective agreements couvrant la période de 2010 à 2013 et de 2014 à 2017, entre le patronat et les syndicats de l’industrie sucrière, en complément à l’additional remuneration décidée par le gouvernement annuellement. Ces 62,2% de hausse de salaire incluent 37,5% sous les collective agreements et 24,7% sous l’additional remuneration, “the double payment of wage compensation being a gross anomaly that has had dramatic consequences on production costs and the competitiveness of the whole industry”.
A partir de ce postulat, le Joint Technical Committee fait un plaidoyer pour éliminer cette double pratique de compensation salariale dans l’industrie sucrière. Le rapport préconise que pour éviter le paiement de la doube compensation, des amendements doivent être apportés aux sections 57 et 95 de l’Employment Relations Act stipulant que “a collective agreement shall not be affected following the coming into operation of any enactment, except where both parties to the agreement consent to the variation thereof”.
La main-d’oeuvre représentant environ 60% des coûts de production, le Joint Working Committee ne se prive pas pour aligner une série de recommandations en vue de faciliter un exercice de dégraissage (downsizing). “All being equal, it is felt that the labour costs have to be reduced by at least 40% in order to provide the required breathing space to the industry to adapt to the new market conditions”, note le rapport.

Une telle réduction de main-d’oeuvre devrait se traduire par une baisse dans le coût de production de l’ordre de Rs 2 000, représentant 12% du seuil de viabilité, passant de Rs 17 000 la tonne à Rs 15 000. En complément à cette mesure de compression du personnel, le Joint Working Committee recommande une plus grande flexibilité dans les procédures en faveur des job contractors dans l’industrie sucrière. Déjà le Joint Negotiating Panel, regroupant les syndicats de l’industrie sucrière, a déjà émis une mise en garde contre toute démarche en ce sens et prévoit des manifestations devant l’Hôtel du gouvernement le jour de la présentation du budget par Pravind Jugnauth (voir détails en page 14).

Des restrictions sur l’exercice du droit de grève

Le package concernant les conditions de travail, et qui doit faire l’objet d’étude au niveau du Ministerial Steering Committee sur le sucre, comprend l’abrogation des sections de la Sugar Industry Efficiency Act portant sur le paiement de VRS/ERS par les compagnies sucrières en cas de réduction de la main-d’oeuvre avec pour seule compensation, celle prévue sous la section 39 B de l’Employment Rights Act de 2009, sous le Workfare Programme. Dans la même foulée, les dispositions sous le Blueprint on Centralisation of Sugar Mlling Activities pourraient être déclarées caduques en cas de fermeture d’usine sucrière.

Les autres propositions, qui pourraient rendre encore plus délicate la position des syndicats, verront des changements dans les conditions d’embauche des travailleurs saisonniers dans l’industrie sucrière en vue de “create a level playing field for all sectors and to rmove all restrictions regarding employment of seasonal labour, in particular during the crop season”, une réduction de 10,5% à 6% du taux de contribution de l’industrie sucrière au National Pensions Fund, une plus grande flexibilité dans les heures de travail avec la semaine de sept jours pendant la récolte sucrière.

Poussant plus loin la logique, au risque de provoquer une confrontation frontale avec les syndicats, le Joint Working Committee propose des restrictions sur l’exercice du droit de grève. Un ajout à la section 69 de l’Employment Relations Act, visant à limiter la durée d’une grève légale à deux jours, et à l’expiration de ce dernier délai, le secrétaire permanent au ministère du Travail se trouvera dans l’obligation de référer le litige à l’Employment Relations Tribunal pour arbitrage est proposé. Pour corser l’addition dans le domaine des relations industrielles, l’inclusion de l’industrie sucrière dans la liste des services essentiels avec obligation d’un “minimum service” en cas de grève est préconisée.

Si l’energy component constitue un volet stratégique dans la survie de l’industrie sucrière, celui consacré à la révision des lois du travail avec des incidences sur les conditions d’emploi devrait faire monter la tension sur le plan social. Les membres du Joint Working Committee prennent le soin d’inclure dans le rapport le fait que “while recognising the sensitive nature of the proposals, the Joint Technical Committee would however like to emphasize that time is the essence and the outcome of the whole structural reforms will be jeopardised if the proposed labour reform were not to be implemented immediately”.

Mais après la décision du Conseil des ministres de vendredi, et à environ trois semaines de la présentation du Budget 2018/19, l’arbitrage du Premier ministre pèsera de tout son poids dans le dossier sucre, tout comme dans le projet de partenariat privé de la Central Water Authority, une majoration des tarifs d’eau étant toujours en suspens…

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